Beata, cette fois-ci escortée d'un garde (les Pastore refusaient qu'elle sorte sans escorte depuis qu'on l'avait agressée dans les rues de Paris), déambulait dans Paris. Elle avait eu besoin de nouveau fil pour ses tapisseries et avait insisté pour se rendre elle-même dans la boutique afin de pouvoir choisir le matériau. Ses tapisseries étaient un art auquel elle se consacrait tout entière, sans concession. Le patriarche des Pastore avait finit par accepter sa requête et la Douce de Venise profitait avec un bonheur non feint du temps chaud et clément, avec le grand chien aux poils fauve qui la suivait de près. Il avait même insisté pour porter le paquet qui contenait le fil neuf et Beata n'avait pu qu'accepter avec un sourire.
Alors qu'ils traversaient la Grande Place, elle avait aperçu une silhouette qui lui paraissait familière. Elle s'était arrêtée un instant, le regard alerte, pour scruter la foule et cette fois elle en était certaine, Eusebio Gianotti se tenait à quelques pas de là. Heureuse de reconnaître un visage connu, elle s'était rapproché pour le saluer. Les mauvaises langues diraient que cela ne se faisait pas. Beata était simplement seule, terriblement seule, chez les Pastore et la moindre compagnie était source de bonheur pour elle.
"Bonjour Eusebio, comment allez-vous ?"
Le garde sur ses talons, Beata lui avait accordé un sourire doux.
La bonté de dame Beata était si grande ! Pourtant, depuis le temps, Eusebio le savait, mais il ne se lassait pas de s'en faire la réflexion, voyant son étourderie graciée en un instant. Il ne put dissimuler sa surprise et sa joie en entendant la proposition de la belle italienne, qu'il accueillit avec un franc sourire et un hochement de tête.
- Mais nous pouvons y aller de ce pas ! Je serai ravi de vous montrer tout ce que vous souhaitez voir. Nous sommes toujours heureux d'accueillir des visiteurs ! Plein d'entrain, il était effectivement prêt à partir sur le champ, mais se rappela l'étal qui attendait toujours d'être rangé. Heu, si vous voulez bien m'accorder un petit instant, je m'occupe de ceci et nous pouvons partir.
Ce qui ne lui prit pas beaucoup de temps, l'habitude et l'absence de légumes aidant. Le tout rangé et chargé sur son dos, il ne lui restait qu'une petite commission à faire avant de guider sa charmante compagnie vers la ferme Gianotti.
- Si un détour ne vous incommode pas, il me faut également déposer ceci à l'hospice. Il désigna le dernier panier restant, rempli des invendus du jour. C'est sur la route, aussi ça ne sera pas long ! Par ici je vous prie.
Sans se départir de son sourire, et comme s'il n'était pas aussi chargé qu'une mule, le paysan montra la voie, empruntant la rue principale qui menait à l'extérieur de la ville. Quelle chance il avait aujourd'hui ! Rencontrer dame Beata puis la conduire jusqu'à leur humble logis ! Il faudrait qu'il remercie ardemment le Créateur dans sa prière du soir... mais pour l'heure, il espérait qu'il ne viendrait pas à l'esprit de la douce de demander auquel des enfants elle devait la petite sculpture de bois.