Une dernière fois.
— Êtes-vous bien sûr ?
— Oui! Je l'ai vu! Vu de mes yeux, vu!
Les arcades sourcilières de la Commandante descendirent jusqu'à se joindre dans une moue septique. La truffe au sol, elle scanna le bourbier frais de la dernière pluie et l'écorce des arbres alentours à la recherche du beau diable. Le pauvre vieil homme, un border collie au poil terne, le poil noir devenu gris et le sourire édenté. Le bougre tremblait de toutes ses pattes au point qu'il en était de plus en plus difficile pour Bellevale de douter de sa culpabilité. Il avait décrit la créature comme une forme quadrupède de plusieurs mètres au pelage fou et aux yeux de feus. Ses aboiements étaient un sorte de râle digne des plus belles créatures de l'enfer tandis que sa queue était aussi longue qu'un serpent !
Avec cette description haute-en-couleur, même son équipe avait douté de la véracité des propos du vieux chien. Cependant, leur devoir était de veiller à la sécurité de Paris.
Elle aboya donc d'un ton sec, pressant à ses soldats de quadriller toute la forêt. Si une véritable bête se cachait dans le bois, ils la trouveraient.
— H-heureusement que vous êtes là, vous ! Avec toutes ses histoires d'hérésies, les autorités ont n'ont oubliés les petites gents! Je vous recommandai à votre supéri-... Attendez, c'est vous le Général ! Le chien bicolore eut un rire nerveux. Oh, que suis-je bêt-..
— Mon sieur. le coupa-t-elle, impassible. Le paysan grimaça, désarçonné par sa froideur.
— O-oui, bien sur. Je vous laisse travailler. Il arrondit le dos, la queue entre les jambes et suivit l'escouade de chasse qui se composait d'elle et de trois autres soldats. Collant au train de cette dernière, la mastodonte leva soudain les babines quand il manqua de cogner son arrière-train dans sa terreur. — Héhé... E-excusez moi.
— Mon sieur, retournez à votre étale.Tout de suite. Si nous trouvons ce monstre, nous vous ramènerons sa tête. Nul besoin d'avoir plus de morts sur cette affaire que nécessaires.
— M-mais j'peux vous aider, je sais à quoi il ressemble .. enfin plus ou moins !
— Partez.
— M-mais .. !
L'immense mâchoire de la mo
losse frappa dans le vide près du flanc du vieux chien. Celui-ci fit un bon incroyable pour son âge vers l'arrière et s'écrasa sur son pauvre dos dans un couinement de douleur. Malgré cela, il ne lui en fallut pas plus pour déguerpir à toute vitesse.
Elle soupira du nez, la bouche
pincée vers le haut. Elle allait le regretter.
— On rentre.
- Des plantes hallucinogènes ? tenta-t-elle de s'imaginer avec ses maigres compétences en botanique.
Encore un coup de ces... bohémiens ? Lorsque l'on parlait substances illicites, les premières accusations se portaient sur toujours sur ces parias, et même pour n'importe quel autre cas. Cependant, Bellevale était sûre d'en avoir vu plusieurs avec des pousses inconnues ... ou bien était-ce un apothicaire. Elle secoua la tête, s’asseyant un moment. Mais si il s'agissait de plantes, des vapeurs, une odeur volerait dans l'air... Elle fronça les sourcils, le nez plissé. La Générale soupira de tout son saoul. Une piste, n'importe laquelle. Tout pour que je n'aie pas à appeler l'un de ces vautours de l'Inquisition à l'aide. Enfin, elle était garde, pas enquêteur et encore moins médecin. Mais, je dois avouer que... un expert ne nous serait pas de trop.
Lorenzaccio fut surpris. Un monstre ? Ici ? Le jeune renard avait été dépêché par la Générale elle-même pour l'escorter avec deux autres de ses compagnons sur les lieux où un vieillard aurait soi-disant aperçu une bête sauvage. A son avis il avait juste eu une hallucination. Avec les lumières du jour et les arbres de la vieille forêt, n'importe quelle ombre pourrait ressembler à un monstre. Encore plus lorsque l'on atteignait un âge avancé comme ce pauvre chien.
En retrait, Lorenzo écoutait donc, laissant sa supérieure s'occuper de parlementer avec la vieille bête qui tombait en morceau. En tant que garde bien dressé, il restait droit, sur le qui-vive, prêt à bondir à la moindre injonction de la part de son Général.
Elle continua sa discussion avec le vieux canidé et tandis que le ton montait toujours un peu plus, Loren laissa ses yeux se balader sur la forêt à la recherche de la chose qui aurait pu fait trembler de terreur ce malheureux cabo. Mais rien. Il faisait trop sombre maintenant et les ombres de début de soirée avaient disparues, emportant très certainement avec elles le monstre du jour.
D’ailleurs, l’autre solution aurait été que le chien mange ou respire l’une de ses herbes hallucinogènes que l’on pouvait trouver un peu partout dans Paris. Lui-même en avait déjà pris lorsqu’il n’était encore que le souillon d’Alexandre, le suivant parfaitement dans ses faits et gestes afin de le tromper plus encore. Mais qu’importait. Il se pouvait très bien que le vieux en ait pris sans le savoir ou bien… de son gré. Il fallait qu’il expose sa théorie Bellevale.
- Mon Général ?
Le Renard s’était redressé, il n’attendait plus que le feu vert de sa supérieure pour débiter sa peut être connerie. Lorsqu’il reçut l’ordre, de l’ouvrir, il ne se fit pas prier.
- Je pense qu’il aurait pu être au contact de plantes hallucinogènes mon Général. Les symptômes sont les pupilles dilatées et parfois on peut encore sentir l’odeur de la plante sur celui ou celle qui en a pris…
Il n’avait pas bien vu le vieux chien mais peut être que Dame Deschênes avait remarqué quelque chose. Ceci-dit, il avait fait son devoir et maintenant, la petite troupe rentrait. L’enquête avancerait donc plus tard.