Marie n'avait jamais trop eut l’occasion de traîner dans Paris. Elle vivait pourtant aux abords de la ville depuis sa naissance, mais elle était si prise par son entraînement qu'elle ne connaissait que quelques rues.
C'est pourquoi elle se retrouva vite perdu dans un lieu assez sinistre. Elle reconnu sans mal le quartier de l'Inquisition... Mais impossible pour elle de savoir où elle devait aller.
Méditatif, Clotaire tourna et retourna les mots de la jeune demoiselle dans sa tête, allant jusqu'à lui jeter un regard en coin. Était-ce là un avertissement caché, un signe divin, une menace réelle ? Il n'en savait guère rien, mais l'hypothèse, quelle qu'elle soit, ne l'enchantait pas. Il avait soudain grand hâte d'être de nouveau chez lui.
- Milon, ne vous laissez pas distancer !
Un bref regard en arrière lui apprit que son assistant, qui n'avait visiblement rien raté de leur conversation, était bien plus alarmé que lui. Eh bien, en voilà un qui n'était peut-être pas à jour dans ses confessions. Sa Grâce toussota pour retrouver une contenance, puis tourna un sourire plus assuré vers Marie.
- Quelle que soit sa volonté, je m'y plierai. Je fais confiance au Tout-Puissant pour me guider vers ce qu'il attend de moi.
Ils débouchèrent dans une artère plus animée, donc moins menaçante en un sens, et le barzoï s'autorisa un petit soupir. Bientôt, plaise au Créateur, il serait installé dans son fauteuil, à l'abri...
" Hahaha, il ne faut pas voir le mal partout, jeune Marie ! Le Créateur veille sur son serviteur, et fort de sa confiance, je n'ai pas à me méfier de mon prochain. " Son rire, Marie n'eut aucun mal a comprendre qu'il n'était pas sincère. Elle se demanda si elle l'avait effrayé, puis pensant qu'il était tout de même bien plus âgé qu'elle et que, donc, ses propos à elle ne devait pas pouvoir lui faire peur, elle chassa cette hypothèse.
" J’espère que vous avez raison. Mais il n'est pas rare, tout de même, que le Créateur rappelle à ses rangs des chiens trop peu prudents. " Elle parla naturellement, sans forcement réfléchir aux conséquences de ses mots. Elle était trop concentrée sur la route à suivre pour se soucier de ses paroles.
Assuré de la bonne direction qu'il venait de prendre, Clotaire marchait d'un bon pas, écoutant tout d'abord d'une oreille distraite la question de la jeune garde, avant de poser sur elle un regard surpris.
- Dangereux ? Allons.
Il aurait aimé retrouver son sourire et la rassurer sur ce point, mais en réalité cette innocente question en fit naître quelques dizaines d'autres en son for intérieur, et il dut relever le museau pour y réfléchir à son aise. Courait-il vraiment un danger, lui, l'Archidiacre ? Il n'était pas seul en réalité, puisque Milon était là, et même s'il était piètre combattant, il pouvait toujours sonner l'alerte... Sauf s'ils tombaient dans une embuscade de brigands.
- Hahaha, il ne faut pas voir le mal partout, jeune Marie ! Le Créateur veille sur son serviteur, et fort de sa confiance, je n'ai pas à me méfier de mon prochain.
Son rire était un peu forcé, et malgré le ton jovial, ses yeux furetaient à présent à gauche et à droite. La ville était-elle si dangereuse pour un chien d’Église sans escorte ?
" Ce n'est pas bien grave, allons ! J'admire ton dévouement à partir en exploration dans un quartier que tu ne connais pas. Après tout, il faut bien se lancer dans l'inconnu pour apprendre de nouvelles choses, n'est-ce pas ? " L'achidiacre lui sourit, faisant légèrement rougir Marie qui n'avait pas l'habitude de la douceur. Elle le suivit de près, même lorsqu'il ne fit que quelque pas.
" Il y a toujours moyen de s'y retrouver, ne serait-ce qu'en demandant la voie à suivre à un passant... Ou bien avec un brin de repérage ! Je me rappelle de cet atelier de couture, nous sommes passés devant à l'aller. En avant, donc ! "
Et le grand canidé repartit d'un pas confiant. Marie agita ses courtes pattes pour le suivre, devant faire plus d'effort que lui pour se maintenir à la même vitesse. Son corps musclé y était accoutumé, de toute manière.
Elle reste très proche de lui dans la crainte d'une éventuelle agression, avant de demander :
" Excusez mon indiscrétion mais... Pourquoi être sorti seul, sans garde ? Cela peut s'avérer très dangereux... Surtout pour vous. "
En réponse à sa taquine confidence, la jeune Marie n'afficha qu'un petit sourire timide, mais Clotaire n'en fut pas étonné ; peut-être lui faudrait-il un peu de temps pour l'amadouer ? Ou bien était-ce le sérieux de sa fonction qu'elle souhaitait conserver à tout prix ?
Quoi qu'il en soit, le mystère fut rapidement résolu quant à la gêne de la demoiselle, lorsqu'elle finit par avouer en s'arrêtant qu'elle ne savait guère dans quelle direction les mener pour rejoindre les quartiers de Sa Grâce. Celle-ci ne s'en offusqua pas le moins du monde, conservant un sourire patient et scrutant les possibilités qui s'offraient à eux.
- Ce n'est pas bien grave, allons ! J'admire ton dévouement à partir en exploration dans un quartier que tu ne connais pas. Après tout, il faut bien se lancer dans l'inconnu pour apprendre de nouvelles choses, n'est-ce pas ?
Toujours armé de son doux sourire, Clotaire fit quelques pas, regarda les enseignes et les hauts bâtiments que l'on pouvait apercevoir au-dessus des toits.
- Il y a toujours moyen de s'y retrouver, ne serait-ce qu'en demandant la voie à suivre à un passant... En l’occurrence, personne n'était en vue, cette possibilité tombait donc à plat. Ou bien avec un brin de repérage ! Je me rappelle de cet atelier de couture, nous sommes passés devant à l'aller. En avant, donc !
Et l'Archidiacre de repartir d'un bon pas, confiant, drainant derrière lui son assistant essoufflé et encombré d'ouvrages et autres papiers.
" Juste à côté de la cathédrale, au presbytère. Vous nous suivez, Milon ? " Marie ne lui avoua pas tout de suite qu'elle était totalement perdue. Elle se contenta d'un air perdu et d'un hochement de tête. Elle se remit en marche aux côtés de l'Archidiacre.
Le grand chien se pencha alors vers elle, murmurant sur un ton de confidence :
" C'est mon assistant... mais il n'est pas toujours dégourdi. Enfin, je n'ai rien dit à ce sujet, bien sûr ! "
Elle ne sut si elle avait le droit de rire, c'est pour cela que la petite timide sourit, gênée. Elle ne répondit rien à ce sujet, bien trop occupée à se demander où il fallait aller. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle finit par s'arrêter, regardant de droite à gauche sans pouvoir caché son malaise.
" Je hm... J-je ne dois pas être plus dégourdie que lui, votre éminence... J-je... suis totalement perdu... " Lâcha-t-elle d'une toute petite voix.
Il fallut à la jeune Deschênes un petit temps de réflexion avant que la lumière ne se fasse dans son esprit. Réalisant à qui elle avait affaire, elle parut troublée un instant avant de vigoureusement branler du chef, acceptant d'escorter l'Archidiacre jusqu'à chez lui. Flatté d'obtenir son accord, le barzoï lui adressa un signe de tête encourageant, qui visait surtout à la détendre un peu.
- Juste à côté de la cathédrale, au presbytère. Vous nous suivez, Milon ?
Clotaire jeta un distrait regard en arrière vers son secrétaire, puis avança avec la jeune demoiselle à côté de lui. Optant pour le ton de la confidence, il reprit plus bas, se penchant légèrement vers la petite chienne pour que personne n'intercepte ses dires.
- C'est mon assistant... mais il n'est pas toujours dégourdi. Enfin, je n'ai rien dit à ce sujet, bien sûr !
Malicieux, l'Archidiacre se redressa ; bien sûr, ce n'était pas très canisthique, mais si ça pouvait faire rire un peu Marie, il n'allait pas s'en priver.
" Monseigneur Clotaire d'Aspremont. Enchanté, Marie Deschênes. " Et sur ses beaux titres, il s'inclina légèrement sans avoir l'air arrogant. Marie pencha la tête sur le côté, réfléchissant. Aspremont... Aspremont, c'est connu ça ?
" Pourrais-je solliciter de la garde une escorte pour rejoindre mes quartiers ? "
Ce fut alors un éclair de lucidité qui sembla toucher la petite Marie car elle ouvrit soudainement des yeux ronds comme des billes. L'Archidiacre ! Le nouvel Archidiacre !
Elle sembla confuse et hoche la tête, ses joues devenant rouges sous ses poils blancs et courts.
" C-c'est le rôle de la garde de... De prendre soin des citoyens de Paris... Elle acquiesça, où sont vos quartier Monseigneur ? " Demanda-t-elle, confuse.
Marie Deschênes, rien que ça ! Il était donc tombé juste pour la Garde, mais même sans qu'elle confirme ses dires, son attitude à la fois fière et guerrière aurait pu répondre pour elle. Amusé, Clotaire afficha une ombre de sourire. C'était bien beau de voir une jeunesse avec tant d'ardeur et de bonne volonté. Le sourire de la petite était en outre fort charmant, adoucissant les traits de son visage quelques instants.
- Monseigneur Clotaire d'Aspremont. Enchanté, Marie Deschênes. Il inclina poliment son long cou vers elle, se montrant à la fois respectueux mais pas pédant ; il ne voulait pas la faire fuir ou l'intimider avec son titre ronflant.
- Pourrais-je solliciter de la garde une escorte pour rejoindre mes quartiers ? L'Archidiacre ne se départit pas de son sourire ; au moins, si elle acceptait, ça permettrait à la promeneuse de sortir du territoire de l'Inquisition.
" Oh, j'admire ton courage, petite, heu... je veux dire, jeune dame ! " Dit-il alors avec un certain sérieux qui rassura Marie.
" Serais-tu, par hasard, membre de la Garde ? " Il pencha la tête. Marie sembla surprise un instant, puis la fierté l'emplie alors qu'elle afficha un regard fier et qu'elle bomba le torse.
" Quel est le nom de notre intrépide promeneuse ?
- Marie Deschênes mon seigneur ! " Dit-elle sans masquer l'immense orgueil qu'elle avait à faire partie d'une tel famille. Puis sans même attendre d'avoir reprit son inspiration, elle ajouta :
" Je suis en effet membre de la Garde, monsieur a l’œil ! " Elle lui offrit un sourire, ne pensa plus a jouer aux grandes pendant quelques secondes.
" Vous êtes ? "
Une petite chienne blanche tachetée lui faisait face, relevant bien vite une mine déterminée vers l'Archidiacre pour défendre son honneur et sa fierté. Bon, si elle avait l'énergie de riposter ainsi, c'est que ça devait aller, plus de peur que de mal. Amusé par le ton bravache de l'enf- la demoiselle, Clotaire l'écouta avec sérieux, hochant la tête.
- Oh, j'admire ton courage, petite, heu... je veux dire, jeune dame ! Approfondissant son examen sur la jeunette, il pencha légèrement la tête sur le côté, attentif. Serais-tu, par hasard, membre de la Garde ?
C'est ce que laissaient penser la silhouette déjà musclée et l'attitude fière, et au pire, si ce n'était pas le cas, elle pourrait le prendre pour un compliment. Le barzoï l'espérait, en tout cas.
- Quel est le nom de notre intrépide promeneuse ?
Marie ne regardait pas devant elle. Son museau convexe n'avait de cesse de tourner de droit à gauche dans l'espoir de recouvrer une rue connue. Mais la seule chose qu'elle y gagna, ce fut de frapper de plein fouet quelqu'un. Elle recula un peu, elle n'avait nullement été ébranlée par le choque, son corps était fait pour en recevoir, mais elle en fut tout de même surprise.
" Je suis désolé mon enfant, je ne t'ai pas fait mal ? Que fais-tu seule ici ? " Lui dit le grand chien qui lui faisait face. Tacheté, mince et aux poils longs, elle ne le reconnu pas et fronça un peu les sourcils dans une expression perplexe avant de reprendre son air faussement dur.
" Je ne suis pas une enfant. Commença-t-elle, et non... Je n'ai pas eut mal. " Elle leva fièrement le museau, tel la gamine qui se voulait grande qu'elle était.
" Je me balade simplement... Dans ces rues sinistres et-... N'allez pas croire que je sois perdue ou que... Pire encore ! Que je puisse avoir peur ! Ah ah ! Invraisemblable... " Elle secoua la tête. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle s'emmêle les pinceaux.
Lancé d'un pas énergique que peu lui connaissaient, Clotaire devançait son secrétaire, pressé de quitter ce lieu qui lui donnait des frissons ; quelle idée il avait eu de venir visiter les quartiers de l'Inquisition ! Pourtant il le fallait bien, mais maintenant que c'était fait, il n'avait qu'une hâte : rentrer au presbytère et avaler une bonne infusion bien chaude. L'Archidiacre entendit des froissements de papier dans son dos, et las, poussa un soupire. Milon devait avoir à nouveau échappé un des parchemins, ou fait tomber un livre... Peu désireux de s'arrêter, Sa Grâce le toisa par-dessus son épaule, l'invectivant pour qu'il ne les retarde pas.
- Allons, mon ami, pressez-vous un peu, il nous faut retourner au presbytère et- Oh !
Ne regardant plus où il mettait les pattes, le barzoï venait de se heurter à quelque chose - quelqu'un en réalité, et la surprise lui fit ouvrir des yeux ronds. Le choc n'avait pas été vraiment rude, mais il était navré de son étourderie, tendant sa fine patte à la victime de sa maladresse.
- Je suis désolé mon enfant, je ne t'ai pas fait mal ? Que fais-tu seule ici ?