Paris s'éveillait doucement alors que les rayons de l'astre solaire avaient percés au dessus des clochés. Les tintements des premiers carillons se faisaient entendre entre les hauts murs de la Capitale depuis les premières lumières du jour. Dès l'aurore, le Reître s'était glissé dans les étroits chemins pavés, bien décidé à traquer la vermine. Il avait eu vent la veille d'un groupe d'hérétiques dirigé par une sorte de gourou et il s'était personnellement chargé de le mettre hors d'état de nuire dans la journée. Le rouquin baladait son corps gracieux dans la cité, accompagné de deux jeunes chiens qui faisaient leurs classes et qui débuteraient bientôt dans l'Inquisition. Ils s'agissait sûrement de lointains cousins ou neveux de Montdargue, et on les lui avait confié pour qu'ils soient un peu confronté au terrain. Il n'avait que faire d'eux, et si cela pouvait leur faire plaisir d'observer un vrai inquisiteur à l'oeuvre, tant mieux. Sa démarche princière semblait scinder la foule sur son passage, et sa fourrure rousse impeccable flottait derrière lui. Vêtu de ses guêtres et de son tour de cou en cuir noir renforcé, il avait également entouré ses épaules de solides lanières pour y maintenir ses fidèles dagues et poignards. Il avait laissé sa fière arbalète à l'armurerie, trop encombrante pour une mission de traque. Le voilà donc qui pavanait comme à son habitude, se laissant admirer par le bas-peuple comme une oeuvre d'art qui daigne enfin que l'on pose les yeux sur elle. Il en vit certains s'amuser de son attitude altière, il n'en fit pas son affaire et se contenta de replacer élégamment sa mèche rousse sur son délicat front. Que des ignorants. Des limités d'esprits. Des mécréants. Les yeux perçants et haineux d'Hermant se posèrent sur un petit groupe de gitans, qui ne faisaient rien d'autre que déranger la sérénité de la ville, comme à leur habitude. Les bohémiens débarquaient dans les beaux boulevards de sa ville, et chaque jour un peu plus ils pullulaient et les envahissaient. Les mendiants et les païens grouillaient, ils étaient tels une maladie vicieuse qui s'insinuait dans chaque artère du beau coeur qu'était Paris, pour les boucher et les gorger d'impuretés jusqu'au jour où, par leur faute, il s'arrêterait de battre. Pas peu fier de sa métaphore, le rouquin dédaigneux leur jeta un regard brûlant de mépris et de dégoût, et donna un grand coup de patte dans une des coupelles de métal qui leurs servaient à faire la manche.
Enfin, il finit par retrouver la trace du dit gourou dans une échoppe où le gérant lui indiqua l'avoir vu passer quelques minutes auparavant. Aidé de ses deux jeunes compères, il s'élanca à sa suite, avant de déboucher dans la Grand Place, où il perdit son odeur. Le museau du setter se fronça, et ses sourcils l'imitèrent.《 Dispersez-vous, trouvez moi cette ordure. 》Les deux cabots s'empressèrent d'exécuter ses ordres et se séparèrent pour inspecter chacun un côté de la place. Le rouquin quand à lui scinda la foule, contournant tant bien que mal les petites gens et leur misère pour ne pas se salir les pattes. Il finit enfin par distinguer un canidé qui semblait correspondre à la description qu'on lui avait fait du mécréant. Il bondit à la suite de l'épagneul gris qui semblait avoir repéré sa présence et se glissa entre les nuées de chiens. Hermant se stoppa net, les sens aux aguets malgré le brouhaha ambiant. Non loin de là, il remarqua une forme discrète et vive qui se mouvait entre les parisiens avec semblait-il, le même objectif que lui. Il s'en rapprocha, et distingua un renard vêtu comme la Garde l'exigeait. Il suffisait de l'observer quelques instants pour voir que lui aussi était sur les traces de quelqu'un. Or, si la Garde s'en mêlait, le chien recherché devait sûrement être trempé dans d'autres affaires douteuses. Interpellé, le Reître roula des épaules pour se frayer un chemin jusqu'au canidé roux. Parvenu près de lui, il lui grogna dessus :
《 Halte là, goupil ! 》Son ton se fit sévère et condescendant, comme à son habitude. Si ce rouquin était également sur la piste de l'hérétique alors Hermant se devait de savoir pourquoi.
Lorenzaccio aurait presque voulu ricaner en entendant la réponse de l'Inquisiteur. Ce dernier était monté sur ses grands chevaux, se redressant de toute sa hauteur pour dominer le Renard. Mais il ne prit pas peur bien au contraire. La famille des de Montdargue avaient beau être quasi intouchables, dans les rues sombres ou loin de chez eux, la réalité était bien différente. La preuve en était : Frambault était rentré bien amoché d'une de ses chasses et son excuse de sanglier... lui en tout cas il n'y croyait pas une seconde tout comme beaucoup de monde et il lui tardait de découvrir la vérité.
- Oui c'est un refus, c'est bien vous comprenez.
Lorenzo grognait toujours, énervé par le comportement de son interlocuteur qui lui faisait perdre son précieux temps.
- Ou c'est plutôt vous qui avez peur de vous casser une griffe... Général Bellevale s'il vous plait. Votre caste ne vous permet pas tout Seigneur de Montdargue.
Le Setter l'irritait au plus haut point. Alors il lui rendrait la pareil bien qu'il se doutât que tout ce qui lui dirait passerait sans doute au dessus de son ego. Le chien roux s'aimait tellement et trouvait les autres tellement insignifiants...
- Maintenant si vous voulez bien m'excuser, mon devoir m'appelle.
Loren' avait arrêté de grogner mais il restait tout de même sur ses gardes au cas où, le grand chien voudrait le surprendre dans une tactique de chasse... On ne savait jamais à quoi s'attendre avec eux...