Sous l'ombre des chênes, il retrouvait celui qu'il avait tant cherché ; le traître. Assombri par des nuits sans repos, le regard du colosse s'était planté dans son dos au même moment où il s'était détaché de l'obscurité de la forêt, faisant plier les herbes sous la paume de ses pattes.
❝ ...Prophète... ❞ Le mot avait peiné à franchir ses babines, pincées de colère. En repoussant sa capuche sur ses épaules, il s'était approché du gris, s'arrêtant à sa hauteur ; ses yeux d'or s'étaient plongés dans les siens, identiques. ❝ Je pense que vous êtes déjà au courant des derniers événements. ❞
Il l'avait décrété d'une voix monotone, malgré son ire. Theobald ne serait pas impoli, mais il serait direct ; il ne servait à rien de s'empêtrer dans des formules mielleuses maintenant. En toisant le colosse avec qui il partageait ironiquement plus que ses yeux, il lui posa une seule et unique question.
❝ Où étiez-vous ? ❞
Ses oreilles s'étaient dressées à l'entente de sa réponse. Le Prophète n'avait pas tord et il craignait le pire, maintenant qu'il savait que son orgueil était la cause de son enfermement. Theobald découvrirait le fin mot de cette histoire, mais plus tard ; sa discussion avec le Prophète n'était pas terminée. Elle s'enchaînait même, et en écoutant ses revendications, il avait acquiescé.
❝ J'attendrais. ❞ Oui, il tiendrait sa langue face à ces scélérats, mais il ne se tairait pas ; il attendrait seulement le bon moment. Le moment où ils commettraient une erreur, comme ils en avaient commis lors de la prise de Conscience ; en espérant celle-ci soit fatale. ❝ Oui. Je dois m'assurer qu'il ne lui arrive rien. ❞ lui avait-il répondu lorsqu'il avait mentionné l'Archidiacre, sur un ton énigmatique.
Les ennemis de mes ennemis sont mes amis.
Ce fut à son tour d'hausser un sourcil lorsqu'il entendit que Melchior s'était condamné. Theobald était curieux d'en savoir plus, mais il avait décidé de taire ses questions et de faire confiance au Prophète. Une dernière fois.
❝ Je compte sur vous, Prophète. ❞ A ces mots, le colosse s'était approché de lui, plongeant son regard dans le sien, le menton relevé. ❝ Que les Idoles soient avec vous. ❞ avait-il soufflé, concluant ainsi leur entrevue.
D'un geste de la patte, il avait ramené sa capuche sur sa tête et s'était détourné, passant une dernière fois aux côtés du vieux bohémien.
Il n'était pas bête. Il était même très intelligent et actuellement il était ce dont les Bohémiens avaient besoin; Theobald pensait comme un bon chef, le Prophète ne pouvait pas le lui retirer. Le jeune Roi avait enfin pris conscience d'une chose importante, cette information qui aurait été précieuse à Matëj il y avait de cela quelques années: Pour gagner le coeur des parisiens il était impératif de passer par leurs idoles.
- Évidemment. Avait-il acquiescé en hochant la tête. C'est bien pour cela que je me fais appeler Prophète. Si cette appellation attisait les flammes de l'Inquisition et des plus bornés, le parisien moyen se laissait facilement avoir et craignait de nier la venu d'un envoyé du Seigneur.
- Ton père, Avait-il commencé avant de juger de l'état de Theobald d'un regard rapide. Était-il seulement à même d'entendre la vérité? Savait-il si bien pardonner qu'il le laissait croire. Matëj aurait voulu avoir la confirmation du contraire, par pur orgueil, mais ses plans en seraient peut-être mis à mal. Je ne sais pas comment il s'est retrouvé dans les pattes de Bellevale Deschênes, mais il faut être bien borné pour pouvoir se faire enfermé par ce genre de personnage. Il n'en avait pas dis plus. Il n'avait rien de plus à dire de toute façon. Il n'en dirait pas plus c'était certain.
- Fais en sorte que ta famille n'intervienne en rien. Aucunes tentatives de sauvetage désespérée, aucunes insultes, aucuns faux pas! Avait-il presque aboyé. Contentez vous de courber l'échine devant les parisiens.
Il avait eu l'air songeur.
- Tu as demandé une entrevue avec l'Archidiacre Clotaire, n'est-ce pas? Il avait haussé un sourcil. Il ne laissera pas une nouvelle exécution se produire. Quant à Melchior, il a lui aussi scellé son propre destin. Tu n'as à t'inquiéter de rien.
- Nos voix ne seront pas suffisante soit en certain. Cependant, leur Dieu est leur faiblesse, ils ne pourront nier les signes qui s'offrent à eux le jour venu. Et même Melchior sera forcé de l'admettre. Il avait marqué une nouvelle pause pour aller s'asseoir. J'ai besoin de ce précieux temps qui nous sépare de l'exécution pour que tout soit parfaitement mis en oeuvre. Les éléments sont avec nous, quant à eux leur Dieu - s'il a jamais existé - les a abandonné depuis bien longtemps. Ses paroles pouvaient sembler abstraites, mais Matëj était tellement convaincu de sa réussite et du chemin qu'il empruntait que ses yeux étaient venu s'illuminer; De l'orgueil? Peut-être bien..
Theobald avait eu un second frisson de colère à la réponse du Prophète, mais le trouble l'empêcha de sortir de ses gonds. Son orgueil avait scellé son destin ? Perplexe, il avait froncé les sourcils. ❝ Non. ❞ lui avait-il répondu fermement. Pour qui le prenait-il ? Le bohémien avait bien compris que s'il voulait s'en sortir, il allait devoir se plier à certaines règles ; mais s'attendait-il à ce qu'il reste les pattes croisées, quand son père et bien d'autres innocents seront exécutés prochainement, pour des crimes qu'ils n'ont pas commis ? C'était hors de question.
Theobald soupira, le regard perdu dans le vide. ❝ Je le sais. ❞ Ses paupières papillonnèrent lentement, pendant un court instant. ❝ J'ai compris beaucoup de choses lorsque le destin des miens m'a été remis. ❞
Le chemin d'un meneur était pavé de sacrifices.
❝ J'aimerais en être aussi sûr que vous, croyez-moi. ❞ reprit-il. ❝ Seulement, nos ennemis sont nombreux. Nos voix, seront-elles suffisantes ? Melchior m'a prévenu ; le moindre faux pas me coûtera ma tête et s'opposer à la Garde, c'est s'opposer au Roi... Et au Seigneur. ❞
Ce n'était pas rien. Malgré que leur foi soit souvent fausse ou malintentionnée, les parisiens se considéraient comme de fervents croyants et s'opposer à leur Dieu... C'était risqué. Trop risqué. ❝ Si nous voulons réussir... Nous devrons passer par lui. ❞ avait conclu Theobald.
Que ce soit clair, il n'était pas contre le Prophète ; c'était de sa réserve dont il se méfiait. S'il disparaissait à l'exécution de Krismund, comme il avait disparu à celle d'Illfada... Il ne le lui pardonnerait pas. Le meneur avait été clair sur ce point .
❝ Vous parliez de l'orgueil de mon père. ❞ Les yeux plissés, Theobald observait le Prophète. ❝ Vous savez comment il s'est retrouvé aux pattes de la Garde ? ❞
Theobald venait de faire l'erreur de se dresser face au Prophète et il était loin d'apprécier. Le grand mâle gris n'était pas idiot et avait su comprendre les sous entendus du Roi des bohémiens de Paris.
- Je n'aiderai pas Krismund Mavlaka. Avait affirmé le Prophète. Par son orgueil il a scellé son propre destin. Son sort m'importe peu, mais il n'est pas perdu pour autant.
Il avait légèrement froncé les sourcils.
- Celui des miens, par contre, de tous les autres qui sont enfermés dans la caserne de cette maudite Garde a encore une grande valeur à mes yeux. Il avait l'air songeur. Que compte tu faire sans mon aide Theobald? Te lancer dans un sauvetage de force? Prouver aux parisiens que les bohémiens bafouent encore et toujours leurs lois? Ses oreilles s'étaient dressées, attentif à la réponse du jeune mâle avant de s'en désintéresser pour poursuivre.
- Je serais là, le jour de son exécution. Les parisiens seront là aussi et ils hurleront tous au crime et au scandale, tous ensemble. Alors la Garde s'effondra tout comme l'Inquisition l'a fait le jour dernier. L'Église suivra ainsi que toute organisation qui a pourri cette cité. C'est comme ceci que ça allait se dérouler, il le savait, et pas autrement. Si tu te mets en travers de cette journée, si tu tente de sauver Krismund d'une quelconque façon, tout ce pour quoi tu te bats sera perdu.
- Krismund ne sera plus qu'un autre mort parmi tant d'autre, comme les Valenta, comme Illfada, comme tant d'autres frères et soeurs. Il s'était alors approché de Theobald, cette fois-ci plus froid. Sauf si tu laisses cette journée à venir se dérouler comme il se doit. C'est un choix qui t'appartiens, mais je te conseil de ne pas intervenir. L'univers est régit par des choses qui te dépassent, jeune Roi des bohémiens de Paris.
Quelque chose n'allait pas. Le pelage de Theobald s'était gonflé, suite à une énième sueur froide. Quoi qu'il puisse dire, le Prophète restait un mortel ; et quel mortel ne craignait pas les forces de ce monde ? Ce discours ne tenait plus de l'assurance, c'était de la démence. Et croire que Paris avait oublié le sauveur du Roi Lubin était tout aussi fou.
Les parisiens n'étaient pas tous des lumières, mais il avait vécu assez longtemps pour savoir que ceux qui se tiennent à la tête de Paris, à cette époque et à celle d’aujourd’hui, étaient loin d'être des idiots. Et il savait qu'ils étaient présents, ce jour-là ; ils devaient l'être.
En suivant son interlocuteur du regard, Theobald s'était mis à pivoter à son tour. Refusant de lui tourner le dos. ❝ Qu'il suffit d'un mot pour faire de la réalité, un mythe ; et d'un mythe, la réalité. ❞ avait-il répondu. L'absence de réponse à la mise en garde d'Illfada lui avait donné un mauvais pressentiment ; il répondait à demi-mots. ❝ Comme il suffit d'un mot pour faire de la vérité, un mensonge. ❞
Les traits de son visage se durcirent et après un court silence, il continua.
❝ Mon peuple aura besoin de plus que de simples promesses pour reprendre confiance en vous. ❞ Theobald le fixait, sûr de lui. ❝ Aidez-nous à sauver Krismund, et peut-être que nous reverrons notre jugement. ❞
Theobald ne pouvait plus se permettre de compter sur la chance pour sauver les siens, il devait agir et vite. ❝ Si vous veniez à disparaître de nouveau... Je mettrais un terme à notre alliance. ❞ avait conclu le maître des Mavlaka.
Il avait refusé son don et sa justification avait réussi à apaisé un semblant de colère qui grandissait au fond de Matëj. Soit, qu'il attende que l'univers ne daigne le gratifier d'un quelconque don. Theobald avait grandit à Paris alors le Prophète aurait dû se douter que ce ne serait pas si facile; Malgré tout ce qu'il était arrivé à sa famille il continuait de croire en cette cité pourrie. L'instant de quelques secondes le grand mâle gris avait ressentis une sorte de honte à l'égard de sa propre personne: Un gamin arrivait à garder la tête sur les épaules et à pardonner, mais lui en était incapable. Malgré ce qui bouillonnait au fond de lui, cette honte qui le tiraillait, le dit Matëj était resté de marbre, inexpressif comme à son habitude. Il était inutile d'user avec Theobald de subterfuge mielleux comme ces doux sourires qu'il réservait surtout à la pauvre Dame Beata, ou bien cet air solennelle qu'il employait avec Yolande de Longroy. Le nouveau Roi des Bohémien était né dans la tromperie alors il ne se laisserait très certainement pas duper par ce genre de chose.
Les questions fusaient encore et il lui fallait des réponses.
- Je te l'ai dis Theobald, je comprend notre univers, je comprend ses éléments et je les ressens. Que ce soit les génies du feu, du vent, de l'eau ou d'autres forces incroyable de notre terre, RIEN ne pourra me faire flanche. Une chose était certaine, le Prophète brillait par son assurance. Comment une hordes de simples d'esprits et d'assoiffés de violence pourraient se rappeler du visage d'un des milliers de sorciers brûlés? Ils n'étaient qu'une bande d'animaux bêtes et aveuglés par leur rage.
- Par ailleurs, je n'ai jamais dis que Milet de Longroy était mort. Encore une fois Paris s'est enflammé toute seule. Milet de Longroy a appris à ses dépends et à ceux d'une partie de la cité ce qu'étaient les forces de notre univers. Ses oreilles s'étaient ensuite légèrement penchées vers l'arrière.
- C'est Illfada qui t'as parlé des Rois Sorciers? Alors, que t'a t-elle enseigné? Il avait alors entrepris de contourner Theobald.
Ses mâchoires se crispèrent. Avant d'être leur prêtresse, Illfada était leur mère de coeur. Elle aurait accepté la mort, en sachant qu'elle abandonnerait ses enfants derrière elle ? C'était impossible, elle n'aurait pas fait ça. Theobald s'apprêtait à répliquer, mais les révélations sur les origines du Prophète le firent taire, sous le choc. Cette impression familière. Il comprenait maintenant. Ses yeux, et s'ils étaient... Un frisson le traversa.
Dans un silence pour lequel il n'était pas connu, Theobald écoutait l'histoire de l'étranger ; celle du Roi Lubin, mais aussi celle d'un Roi Sorcier. Chacun de ses mots s'ancrait dans son esprit, s'entrechoquant avec tout ce qu'il avait cru savoir jusqu'ici. Illfada, une sainte. Des dons donnés par les Idoles. Des morts en vie.
De ses yeux éberlués, il fixait cette patte qu'on lui tendait. Le Prophète avait raison, leur combat était le même... Et pourtant. Au dernier instant, Theobald avait levé les yeux vers lui et avait retiré sa patte, qu'elle n'avait fait que frôler.
❝ Je ne hais pas Paris. Je hais ceux qui la pourrissent. ❞ D'une voix grave, il avait prononcé ces quelques mots. ❝ Si les puissances de notre univers souhaitent faire de moi l'un de leurs élus, alors qu'il en soit ainsi. ❞ Le colosse marqua une courte pause, avant de déclarer. ❝ Je l'accepterais... mais d'eux, pas de vous. ❞
Il avait confiance ; s'il disait vrai, alors il attendrait qu'elles le choisissent. Toutefois, il gratifia le prophète d'un regard désolé, espérant qu'il comprenne sa décision.
❝ Mais vous ne me dites pas tout. ❞ continua-t-il, soudainement. ❝ Si vous êtes l'étranger, comment cela se fait-il que personne ne vous reconnait ? J'étais enfant lorsque votre exécution a eu lieu, ce n'est pas si vieux. ❞ Des questions, il en avait des dizaines. ❝ Et vous avez survécu aux flammes, mais comment ? C'est impossible que vous ayez échappé au regard de tout Paris. ❞
Comme perplexe, Theobald dévisageait le Prophète. Ses yeux s'assombrissaient, tandis qu'il se remémorait les derniers événements.
❝ Que s'est-il passé lors de l'incendie ? ❞ Que faisait-il dans cette boutique, aux côtés de Milet qui s'était écroulé étrangement vite ? Et qui depuis, ne donne plus de nouvelles. ❝ Si vous avez ramené Milet à la vie, pourquoi pas Illfada ? ❞ Ses oreilles pivotèrent de chaque côté et une nouvelle fois, ses yeux se plissèrent. ❝ ... Était-il seulement mort, Matëj ? ❞
Yolande disait vrai, personne n'avait vérifié.
❝ Vous me dites que Illfada était une sainte, mais... Elle nous mettait en garde contre eux ; et contre vous. Pourquoi ? ❞ Le brun se méfiait, mais son coeur, malmené par tout ces secrets, réclamait des réponses. ❝ ... Êtes-vous l'un de ces Roi Sorciers ? ❞
Fallait-il tout lui dire? Après tout il était quelqu'un de confiance, il était Théobald Mavlaka, chef des Bohémien et actuellement son plus précieux alliés. Lui et quelques autres, à vrai dire... Le Prophète avait froncé légèrement les sourcils, le regard planté sur le jeune chien qui se dressait face à lui.
- Pour t'avouer, je n'avais pas prévu sa mort et elle n'avait sans doute pas prévu de mourir comme ça. Avait-il avoué. Mais j'ai vu dans ses yeux, je l'ai compris à son regard qu'elle accepterait ce rôle qui a maintenant été le sien dans notre projet et donc la mort. Il avait soupiré mon son manque d'émotion quant à ce qu'il venait de dire lui donnait cet air sinistre. Il était maintenant tant - après une longue pause - de dire la vérité à Theobald.
- Je suis un Voyageur, un Étranger qui ne fait qu'essayer de rendre plus belle cette terre qu'est la notre. Tu n'es pas sans savoir que notre univers est régit par des forces bien plus primaires et élémentaires plutôt que par un vague individu qui de son promontoire nous contrôlerait et contrôlerait tout. Le monde, la vie, c'est bien plus que nos simples petites existences. Et il était venu s'arrêter net pour chercher ses prochains mots.
- Je m'appelle Matëj, quand j'étais plus jeune on m'appelait Braillard; Ma soeur surtout. Je suis né en terre de Bohème et comme tes parents, j'ai fuis le pays pour échapper au massacre de Vlan le Sanguinaire. Commençait-il à se confier. Je suis arrivé en France et j'ai tout suite tout fait pour m'intégrer, je suis arrivé dans un petit village aux alentours de Paris où ma famille et moi avons très bien été accueillis. Une fois ma soeur assez grande pour se débrouiller j'ai décider de partir seul, en pèlerinage. J'ai aidé qui en avait besoin sur mon chemin, puis j'ai entendu parlé du mal qui rongeait notre bon Roi, Lubin, celui qui avait accepté les nôtres en son pays, le dernier Roi de France qui n'a pas été le pion de la toute puissance religieuse.
Il s'était assit pour poursuivre son histoire.
- Tu sais, ce que Illfada racontait, ses tours de passe-passe, son don pour soigner... Elle l'a reçu des puissances de notre univers car elle était quelqu'un de bien, quelqu'un qui ne voulait que le bien des siens. Une once de nostalgie avait traversé son esprit. J'ai appris à comprendre comment fonctionnait ce don, comment fonctionnait notre univers et j'ai appris à l'utiliser pour aider ceux qui nous avait sauvé. J'ai alors décidé d'aider le Roi Lubin. J'étais beaucoup trop naïf pour croire que l'Église et Paris accepterait un tel sauvetage comme une preuve de bonne fois. Je n'avais pas compris que ce que l'Église adorait ce n'était ni son propre Seigneur, ni même son Roi qui avait - selon eux - était choisi par les forces divines. Ce que l'Église souhaitait c'était le pouvoir et Lubin n'était pas un pion! Il avait ses idées et il était son propre chef, il était une gène pour eux. Ses babines s'était doucement retroussées.
- Ils m'ont brûlé, ils m'ont condamné pour sorcellerie. Ils m'ont trainés sur la place, moi, un pauvre garçon! Et tout Paris criait, tout Paris scindait le nom de leur Seigneur et celui de l'Inquisiteur qui a allumé le feu. Leur Dieu n'est autre que la violence, le mal, la mort! Comment pouvait-on le croire? Lui qui affirmait avoir brûlé se tenait aujourd'hui bel et bien en vie devant son interlocuteur. Et j'ai juré, qu'à son tour Paris brûlerait. Les crocs dévoilés. Cette cité, ses vices et ses hommes corrompus, ils brûleront. Ne survivront que les élus, les Saints comme ils les appellent. Il avait marqué une courte pause et s'était relevé.
- Je sais que tu es en colère, je sais mon frère que tu partage la même haine que moi à l'égard de cette ville damnée. Il lui avait tendu la patte. Accepte ce don que je te fais, accepte d'être un de ces élus, Théobald. Nous menons le même combat.
Bien que les paroles du gris l'avait fait frissonné de colère, celui-ci avait raison sur un point ; il appréciait sa franchise. Theobald était lasse de tenir sa langue pour ne pas blesser le fragile ego de ces hypocrites.
Après une brève inspiration, Theobald reprit d'une voix assurée.
❝ Mon peuple avait besoin de vous ce jour-là, Prophète. ❞ L'espérance est pavée d'illusions. Il ravala sa salive, la gorge sèche d'amertume. ❝ Dans un combat comme celui-ci, chaque voix compte. Les révolutionnaires se sont dressés à vos côtés car vous aviez promis de sauver Paris de sa corruption, mais devant cet énième carnage, ils doutent. ❞
Il marqua une pause.
❝ Et moi aussi. ❞ acheva-t-il. ❝ Le meurtre d'Illfada n'était pas nécessaire... Notre promesse n'était-elle pas d'arrêter cette folie meurtrière avant qu'elle ne fasse plus de victimes ? Ou n'était-elle là que pour servir un tout autre but, Prophète ? ❞
Ses yeux se plissèrent, comme s'il cherchait quelque chose au travers de ce calme olympien. Autre chose que ces fractions d'émotions qui lui paraissaient factices.
❝ Je ne peux faire confiance à un chien dont je ne connais même pas le nom. ❞ La flamme dans les yeux de Theobald s'apaisa. Derrière ces yeux familiers et ce visage brûlé, il devait forcément y avoir une histoire. ❝ Dîtes-moi qui vous êtes. ❞
Il ne pouvait pas y échapper plus longtemps; Theobald Mavlaka, le nouveau chef des Bohémien était venu à sa rencontre pour demander des comptes. Tout ouïe, le Prophète ne comptait pas lui non plus faire dans la dentelle. La conversation allait être franche.
- J'étais présent. J'ai été spectateur de ce qu'il s'est passé ce soit disant "Jour de Conscience". Avait-il affirmé tout en restant d'un calme olympien. Ce qui est arrivé à Illfada est triste, mais notre communauté n'en est que grandit. Continuait-il non sans une once de tristesse dans la voix, à peine perceptible.
- ... Certains sacrifices sont nécessaires, certains combats ont besoin d'un dernier martyr. Avait conclu le grand gris. Tu souhaitais des réponses, Theobald? Je suis là pour t'en donner et j'ose imaginé que tu apprécieras ma franchise. Notre but est bien trop important pour parler avec des pincettes.