Il commençait à se faire si tard que les échoppes commençaient à fermer; Frambault s'était rendu en ville après avoir été cantonné à ses appartemments durant plusieurs semaines suite à cette malencontreuse attaque de sanglier. Depuis cet incident, l'héritier de Lambert de Montdargue s'était montré particulièrement prudent, il était convaincu d'avoir été la cible d'un horrible plan monté de toute pièce par ses ennemis, mais lesquels? Il en avait tellement dans la cité de Paris.
Ses reflexions l'avaient guidé jusqu'ç la boutique d'apothicaire de la tristement célèbre famille Eastwood; Fraichement arrivé d'Angleterre, les pauvres avaient déjà été entrainnés dans une histoire d'empoisonnement de grande envergure. S'il y avait des personnes qui manquaient cruellement du moindre éclat d'honneteté c'était bien eux, selon Frambault.
Alors que le soleil se couchait doucement derrière l'immense Cathédrale de Notre Dâme, le Roy de l'Inquisition avait poussé lentement la porte du petit commerce et s'était faufillé à l'interieur, observant avec beaucoup d'attention chaque plante qui s'y trouvait. Son regard s'était arrêté sur une fleur remarquablement blanche.
- Apothicaire! Êtes vous ici? Avait tonné le jeune héritier sans quitter des yeux la fleur. Puis ses babines se plissèrent et un grondement sourd commençait à faire sa place au fond de sa gorge. Je suis certain que vous me serez d'une grande aide... J'ai besoin de renseignement. Son regard avait enfin laché cette fleur pour parcourir le reste des lieux.
Plus les minutes passaient, plus Rowena regrettait l’entrée du Limier dans sa boutique. Il n’était définitivement pas venu pour un remède mais au moins restait-elle sereine pendant qu’il fouillait tout du regard. Elle n’avait rien à se reprocher et le lui ferait comprendre, peu importe le temps que cela prendrait. L’apothicaire plissa les yeux lorsque le de Montdargue lui demanda des informations concernant des poisons qu’elle pourrait avoir. L’inquiétude prit place un instant sur son visage. Qui comptait-il tuer ? Non non, il était hors de question qu’elle se retrouve impliquée dans un assassinat comme sa mère l’a peut-être été dans le passé.
Je suis au regret de vous dire que vous ne trouverez aucun poison ici. Mes connaissances me permettent effectivement de connaître les plantes, les mélanges ou les doses qui pourraient être mortelles, mais je n’en fais et n’en ferait jamais usage.
Un je ne sais quoi lui disait qu'elle n'allait pas s'en sortir aussi facilement.
- Bien. Brâve petite commerçante. Avait-il remarqué après qu'elle lui ai prouvé par de multiples reprises qu'elle était une bonne personne qui jamais ne s'adonnerait à l'art répugnant de la sorcellerie. Frambault restait tout de même méfiant: On ne pouvait faire confiance à personne encore moins à ces sorcières qu'étaient les femmes.
- Eh bien, je vais faire office de client suspect, si vous le voulez bien, Demoiselle Eastwood. Avait-il fini par révéler alors qu'il tournait dans la boutique. J'ai besoin de quelque chose de particulier, parlez moi de vos poisons. Et n'essayez pas de me mentir, je sais ce qu'a fait votre mère, vous êtes capable de la même chose! Cette fois plus menaçant.
- Je veux quelque chose qui fasse passer une mort lente et silencieuse par un doux sommeil profond.
Rowena resta silencieuse quelques instants, comme le fit son interlocuteur. A quoi pouvait-il donc bien penser ? Il sembla montrer des signes d’impatience ou de mécontentement et la chienne fronça légèrement les sourcils. Avait-elle dit quelque chose qui lui avait déplu ? Ou bien la réponse qu’elle lui avait donné ne lui avait effectivement pas convenu ? Quand il lui posa de nouveau une question quant à une éventuelle concoction permettant de faire perdre la mémoire à quelqu’un, l’apothicaire s’aperçut qu’elle n’y avait pas répondu précédemment. Quelle empotée. Prudemment, elle répondit, toujours souriante et le visage parfaitement calme.
- Il existe effectivement une plante qui pourrait faire perdre la mémoire, toutefois vous n’en trouverez pas ici. Puis elle en expliqua les raisons. Elle est considérée comme associé à la magie noire et fait partie des plantes qui seraient utilisées par les sorcières tout comme la belladone, la jusquiame, et la mandragore.
Il ne manquerait plus qu’on la fasse brûler pour sorcellerie. L’apothicaire s’était toujours montrée très prudente à ce sujet. Elle n’aurait jamais chez elle de quoi la faire arrêter, d’autant plus qu’utiliser des plantes dans un tel but, que ce soit pour un quelconque forfait ou pour un assassinat, était contraire à ses principes. Sa mère avait peut-être commis des erreurs par le passé, mais ce ne serait pas son cas. D’ailleurs, qui sait si elle n’avait pas été forcée de le faire ? Rowena tâcherait toujours de se montrer irréprochable. Elle connaissait de nombreuses plantes, mais nombreuses étaient celles qui n'auront jamais leur place dans sa boutique.
La jeune chienne observa le Roy tourner dans la boutique, semblant observer minutieusement chaque détail. Que manigançait-il ? Les questions qui suivirent provoquèrent un étonnement sincère chez la citadine, qui mit quelques temps à reprendre ses esprits avant de répondre, troublée.
- Des clients réguliers qui viennent pour leur mal de dos, rhume ou autre maladies habituelles. Elle fronça les sourcils de nouveau. Personne ne m'a jamais demandé une telle chose, et sachez que si cela avait été le cas, j'aurai immédiatement refusé.
- Hum... Il avait alors songé un instant. Et une concoction permettant de la faire perdre à quelqu'un? Le voilà qui devenait suspicieux à l'égard de la chienne qui avait survoler sa première question précédement, c'est pourquoi il la réitérait. Sa queue avait foutté l'air et son regard s'était fait d'autant plus insistant. Il ne lui faisait plus confiance désormais, encore moins qu'à n'importe qui dans cette ville: C'était la fille d'une empoisonneuse et elle devait certainement porter en elle l'héritage infâme de sa mère.
- Vous avez eu beaucoup de clients ces derniers temps? Il s'était remis à tourner dans la boutique, observant finement chaque chose qui croisait son regard comme s'il enquêtait. Des requêtes spécifiques peut-être? Avait-il ponctué sa phrase d'une once de méfiance. Enfin, j'entend par là, quelque chose que l'on ne demande pas souvent à un apothicaire, je veux dire, surtout quand ce dernier est quelqu'un de droit. Le Limier avait levé les yeux au ciel, l'air de reflechir.
- Quelque chose qui pourrait gravement empoisonner quelqu'un, par exemple.
Rowena écarquilla les yeux lorsque le Roy évoqua sans aucun scrupule les rumeurs qui courraient sur la famille Eastwood. Chacun des habitants de cette ville n’avait eu de cesse de murmurer à ce propos et la réputation de la jeune apothicaire avait peine à se construire avec tout ceci. Quand bien même sa mère avait pu faire des choses immorales, ses actes n’avaient pas à se reporter sur ceux de sa fille. Malheureusement, il semblerait qu’elle devrait vivre avec ça encore un bon moment. Elle tâcha de ne rien montrer de son amertume et afficha un sourire aimable. Bien que son interlocuteur ne soit pas des plus agréables, il n'y avait pas de raisons pour qu'elle fasse de même.
L’espace d’un court instant la commerçante eut peur que le Montdargue ne lui demande de concocter un poison pour se débarrasser d’un quelconque gêneur. Elle ressentit un certain soulagement lorsqu’elle vit que ce n’était pas le cas. Elle écouta attentivement les paroles du chien, réfléchissant à sa question lorsqu’il eut fini. A sa connaissance, il n’existait pas de remède qui pouvait rendre la mémoire d’un évènement en particulier. La mémoire était quelque chose d’étrange, d’indéchiffrable et de fragile.
- Je ne crois pas qu’un tel remède existe. Il y a bien quelques plantes pour améliorer la mémoire et en combattre les troubles, mais retrouver ce qui a été perdu relève probablement de l’impossible.
Le Roy n'aimerait probablement pas cette réponse, mais Rowena n'était pas de ces charlatans qui mentaient pour arriver à leurs fins ou vendaient un simple jus de feuilles en le faisant passer pour un remède miracle. Il allait devoir se contenter de la vérité et noter qu'il ne retrouvera pas la mémoire avec autant de facilité.
Il avait décidé de ne pas y aller par quatre chemin, de toute façon ça n'avait jamais été le fort de Frambault que d'être délicat avec le reste du monde d'autant plus quand il s'agissait d'une classe sociale inférieur.
- Votre réputation d'empoisonneur n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Avait-il tout d'abord commencé en observant tous les produits qui passaient sous ses yeux. Votre famille s'y connait visiblement très bien en fourberies. Avait-il ensuite ajouté pendant qu'il venait se tourner en direction de la propriètaire de l'échoppe.
- J'aurai aimé savoir si vous connaissiez une plante ou bien un mélange capable de faire perdre la mémoire à une personne? Dans ce même sens, y'a t-il un remède à cela? Si c'était le cas, il pourrait certainement trouvé un moyen de recouvrer la mémoire quant à l'attaque de laquelle il avait été la victime quelques semaines auparavant.
Il avait semblé à la jeune Rowena que la journée avait été interminable. Elle avait en effet passé le plus clair de son temps à ranger sa boutique et à ordonner les stocks avec ce qu'elle avait récupéré la veille. Les clients avaient été peu nombreux ce qui avait contribué au calme et à l'espèce d'attente qui en avait découlé. Peut-être cela était-il dû aux rumeurs qui courraient sur sa mère ? Pourtant, certains savaient déjà qu'on pouvait lui faire confiance. Après tout, les erreurs ou actes de ses parents n'avaient pas à avoir de répercutions sur sa propre réputation. Malheureusement, il semblerait qu'elle allait devoir travailler d'arrache-pied pour espérer la reconstruire.
Les marchands alentours avaient déjà commencé à fermer leurs commerces et l'apothicaire comptait rapidement faire de même. Bien qu'elle habitait juste au dessus de la petite boutique, elle doutait qu'on vienne demander son aide à cette heure-ci. La jeune citadine décida toutefois d'aller encore vérifier deux trois choses dans l'arrière boutique, pour un remède qu'on viendrait chercher le lendemain.
Assurée que tout était bien prêt, Rowena allait tourner les talons lorsqu'un éclat de voix lui fit dresser la tête. Un client, à cette heure ? Sans perdre un instant, elle retourna dans la boutique et reconnut aussitôt à qui elle avait affaire. Immobile quelques secondes, elle le regarda observer ce qui l'entourait et se demandait ce qui pouvait bien l'avoir amené à venir ici. Silencieuse malgré le manque flagrant de politesse du Roy de l'Inquisition, elle se contenta de sourire et de se montrer aimable, comme à son habitude.
- Bien le bonjour. En quoi puis-je vous être utile, noble sire ?