L'Angélique, l'Aélais et l'Anselin étaient tous amarrés à leur ponton. Ils étaient arrivés tard dans la nuit et aujourd'hui il fallait les décharger de leur cargaison revenu du sud.
Angélique n'avait pas dormi de la nuit, préférant tout préparer pour entreposer correctement les biens qu'ils avaient ramenés des pays sudistes. Il fallait que tout soi terminé avant la fin de la journée afin que les équipages puissent se reposer mais aussi pour qu'ils puissent au plus vite remettre en état les navires afin qu'ils repartent chercher d'autres vivres.
Après s'être assurée qu'Aélais et Anselin aillent bien, la blanche sortie de leur maison pour se diriger vers les quais. Leur demeure surplombait le port et donnait directement sur leurs embarcadère où la flotte se reposait. Angélique ne pourrait jamais se lasser de cette vue. C'était tout ce qu'avait bâti son père.
Arrivant sur ses lieux de travail, la viverrin commença à saluer les têtes qu'elles connaissaient, un grand sourire sur sa gueule d'ange. Tout le monde l'aimait la jeunette. Elle était jamais du genre à faire la tête mais plutôt à positiver et à résoudre les problèmes sans jamais se laisser abattre. Et c'est comme ça qu'elle avait réussi à se faire une place et un nom sur le port. Aujourd'hui, elle était respectée et appréciée. Tout ce qu'elle avait toujours voulu depuis que son père était parti.
Trottinant joyeusement, la bête n'avait d'yeux que pour ses navires. Fiers et imposants ces derniers égayaient toujours le port lorsqu'ils étaient là. Beaucoup s'arrêtaient pour les observer et s'émerveiller devant l'élégance des monstres de bois.
La femelle continua sa route jusqu'à s'engager sur les pontons pour mettre en place le déroulement de la journée avec les capitaines des trois navires. C'était une longue journée en perspective... une très longue journée.
La délicatesse d'Angélique et sa haute considération de l'égalité des individus, malgré les différences de castes, touchaient beaucoup le paysan ; mais il était également impressionné qu'une dame ne se cache pas de penser de telles choses, et ne craignait pas au contraire de les dire avec assurance ! Voilà qui était totalement nouveau pour lui ! Il n'avait encore jamais vu telle audace féminine dans Paris, mais ce panache lui plaisait bien. Avec ce genre de personnalités, il était plus facile de faire bouger les choses, les mœurs, et les puissances en place... Qui sait ? Il était toujours bon de rêver.
Rassuré de l'assurance de la jolie chienne par rapport à son voyage, et persuadé qu'elle ne lui tiendrait pas rigueur de son petit écart par rapport à son dernier cadeau, Eusebio accueillit avec plaisir l'idée d'une visite à la ferme, de même que ses jeunes frères.
- Nous serions ravis de vous y accueillir !! Si en plus vous êtes des nôtres pour quelques temps, je ne manquerai pas de venir vous porter une invitation très prochainement.
Les petites protestèrent, désireux d'être de la partie également lorsque l'invitation serait lancée, et dans un petit rire l'aîné promit qu'ils iraient tous ensemble, ramenant le calme. Serrant de bon cœur la jolie patte fine d'Angélique, le géant lui adressa un bref signe de tête, les yeux brillants. La petite troupe sortit et se tint dans le jardin, prononçant les derniers adieux pendant que le vilain se chargeait de son tonnelet.
- Merci pour votre bonne humeur et votre bonté, Angélique ! J'espère vous revoir très vite. Au revoir, les enfants !
Il adressa également un signe de tête à la nourrice, en retrait, avant d'entraîner sa petite fratrie sur les pavés du port. Ils firent signes de la patte encore une fois, puis partirent vers les quais ; il s'agissait quand même de récupérer ce fameux poisson avant de rentrer ! Comme l'avait prédit la petite chienne, le premier marin croisé s'acquitta bien volontiers de leur demande, et leur fit passer quelques beaux cabillauds bien frais avec de grands sourires.
La troupe Gianotti reprit donc le chemin de la campagne alors que le soleil annonçait l'arrivée imminente de la mi-journée, comme quoi le temps passait vraiment trop vite en bonne compagnie, et ils seraient sûrement disputés !! Ce qui ne les empêcha pas de faire une courte pause, histoire de cueillir les fameuses fleurs promises à leur mère, qui leur permettraient peut-être d'apaiser le courroux maternel...