- Nous arrivons dans les faubourgs, madame.
Yolande sourit poliment à son jeune employé - un garde du corps, novice et trop zélé, qui croyait bon de devoir la tenir au courant de chaque pas qu'ils faisaient. Mais il apprendrait bien vite, et la dame laissait le soin à ses supérieurs de le réprimander plus tard. En attendant, son travail n'était pas si insatisfaisant que cela : personne, ni dans la cité ni à présent dans les faubourgs, n'avait osé s'approcher du petit convoi.
Pourtant, c'était l'effervescence au-delà des murs de Paris : la visite d'un grand bourgeois aux champs était rarissime, surtout pour un de Longroy. Les plus pauvres n'ignoraient pas que c'était là l'occasion pour les bonnes gens de se faire bien voir, et de leur abandonner de larges poignées de piécettes au passage.
Mais malgré la rareté d'une telle excursion, Yolande n'était nullement révulsée par la basse classe : les paysans avaient souvent bon cœur et, comme le disait sa famille, la beauté n'est pas relative, c'est une fleur qui s'entretient. Il en allait de même pour le savoir, et elle était consciente que les pauvres hères qui travaillaient dur à nourrir tout Paris possédaient des connaissances dont elle ne savait rien. Jamais elle ne les sous-estimerait. Quel dommage qu'ils se laissent si aisément manipuler par le Clergé...
Cheminant dans la campagne, elle laissa son regard se poser sur la ferme des plus simplistes qui avait l'honneur de la recevoir aujourd'hui. Elle n'ignorait pas que la famille qui s'en occupait était vassale aux Pastore, et c'était avec l'accord de ces derniers que Yolande avait organisé cette rencontre. Quel malheur que les Pastore n'utilisent pas leur fortune à l'éducation de ces pauvres gens ! Mais bon, que pouvait-elle y faire ? Pour l'instant, elle ne devait s'occuper que de la raison de sa venue : s'intéresser à la vie des fermiers, inspecter leurs produits et leur commander de quoi garnir le large banquet bourgeois qu'elle prévoyait depuis plusieurs semaines déjà. D'habitude, elle ne s'occupait pas elle-même de ce genre de corvée, mais il commençait à se dire dans la ville que les grandes familles ignoraient trop les petites gens... Il fallait couper court à ces rumeurs.
Dame Yolande, ses quatre hommes de patte et les quelques étudiants intéressés par l'agriculture qui avaient voulu l'accompagner arrivèrent ainsi devant la ferme. Son arrivée ayant été annoncée, elle attendit patiemment d'être accueillie, louchant avec angoisse sur un essaim de mouches qui bourdonnait au-dessus d'une bonne vieille bouse.
Fin du Rp; Après moult petits mets goûtés et moult compliments, ainsi qu'une conversation bien menée, la commande est passée. Yolande repart de son excursion avec sa petite compagnie, et tous sont ravis de leur classe verte - pour une fois, la boue des Gianotti a atteint la noblesse, et en bien. Le banquet suivra plus tard - un véritable succès ! - et garantira les bonnes relations entre les de Longroy et les serfs des Pastore. Des relations qui, évidemment, déteindront sur celles entretenues avec les Pastore eux-mêmes; et voici que les familles semblent se rapprocher malgré leurs différends sur le Créateur.