Frambault avait profité de cette douce matinée d'hiver pour essayer de faire un rapport sur les proies pour la saison de chasse à venir. L'année passé avait manqué de cerfs, de sanglier et d'autres gros gibiers et l'héritier de Montdargue comptait bien rapporter un de ces merveilleux trophées cet année.
Les empreintes sur le sol ne trompaient pas, des ongulés étaient passé par là et si l'on prennait en compte leur forme et leur profondeur on pouvait en conclure rapidement que cette année les cerfs allaient être de sortie. Il y avait l'air d'avoir toute une famille. C'était parfait. Frambault en esquissait déjà un large sourire de satisfaction et dans sa grande impatience il s'était même mis en tête d'en traquer un avant l'heure. Étonnement il n'avait pas eu besoin d'aller bien loin car bien vite dans les Faubourgs de Paris il avait été interpellé par une silhouette plus qu'étrange: Un être immense, gigantesque et élancé. Le jeune seigneur n'avait pas l'habitude que l'on soit plus grand que
lui, mis à part les Deschênes qui étaient des individus particulièrement grand et imposant, et ils étaient bien les seuls qu'il regardait en levant les yeux.
Cette chose là était bien plus étrange, elle avait l'air d'être l'un de ses congénères mais il n'avait eu que faire. Les petites gens des faubourgs étaient le soucis des Pastore et ils n'étaient surtout que des traine-misères qu'il avait le droit de traiter comme il le souhaitait puisqu'il était un nobles.
Aussitôt l'idée lui était venu à l'esprit. Frambault avait fondu en direction du gayard et l'avait gratifié d'un petit pincement de crocs au niveau du flanc. Et puis d'un air faussement désolé il s'était reculé.
- Oh, tu n'es pas un cerf. Il avait ricanné bêtement, comme la petite frappe ridicule qu'il était. Qu'est-ce que tu peux bien être grande gigue? Il s'était de suite mis à lui tourner autour en le dévisageant, surement le dérangeait-il dans ses corvés journalières? Il n'en savait rien après tout, Frambault de Montdargue n'était pas de ceux qui avaient une journée bien remplies.
- Je suis étonné que ceux de ma famille ne t'aient pas encore traqué et tué. Regarde-toi. Quelle délicatesse, quelle gentillesse surtout, c'était ce dont Frambault était capable de mieux. Il avait tout les droits après tout, c'était un noble et les gueux n'avaient ni peine ni conscience, ils étaient des machines. Le jeune seigneur avait finalement décidé de se planter devant sa victime.
- Tu travailles pour les Pastore? L'interogeait-il le sourcil levé.
Les derniers mots avaient résonnés: Bonne nuit sire. C'était la dernière chose dont Frambault se souviendrait concernant cette matinée sanglante. Plus tard dans la journée, on l'aurait retrouvé mutilé dans un lit de ronce et ses blessures - selon ses proches et sa famille - auraient sans nul doute été la signature d'une mère sanglier enragée.
Jusqu'à ce que la vérité fasse de nouveau surface un jour...
FIN
Merci beaucoup pour ce RP même si tu m'as bien mutilé mon Bault xD
Si la pression s'était relâchée sur la nuque du paysan, la douleur était quant à elle toujours vive. Lorsqu'il sentit le corps de son ennemi glisser dans son dos, après ce qui lui sembla une éternité à se taper la tête contre le tronc, Eusebio reposa ses quatre pattes sur la terre ferme, chancelant. Il ne put faire qu'un pas avant que son arrière-main ne se dérobe sous lui. Le souffle court, il jeta un regard de côté, vers la masse inerte du sire de Montdargue. Était-il..?
- Pas mal le paysan. Visiblement non. Le gaillard eut un petit rire en entendant sortir une telle chose de la gueule de Frambault, on aurait presque dit un compliment. Vous n'êtes donc pas tous des traine-misères, certains ont du répondant... Allez, vas-y, met donc fin à tout ça avant que je ne reprenne mes esprits et te fasse tuer!
Eusebio n'aurait pas dû en être fier, mais une part de lui-même se gonfla d'orgueil en entendant le noble causer ainsi. Il avait défendu l'honneur des Pastore et de sa famille, et de ça il était heureux, mais à quel prix ? Oser se battre comme une bête sauvage en pleine forêt avec un des futurs héritiers d'une haute famille de Paris... Il fallait être un fou doublé d'un vulgaire pécheur. Une pointe d'angoisse lui serrant la gorge, le jeune loup se redressa, fixant les environs ; ce n'est qu'une fois qu'il fut vraiment certain de l'absence de témoin qu'il recouvra sa respiration. Ce qui au final ne l'aidait pas plus que ça : il avait quand même le corps roué de coups du nobliau juste à côté de lui. Qu'allait-il en faire ?
Affichant une mine ferme, le paysan se releva, des élancements dans chacun de ses muscles. Il grimaça une fois la station verticale atteinte, mais le plus dur était fait - du moins l'espérait-il. Ses yeux bruns se posèrent sur sa victime, dissimulée derrière sa patte. Il ne s'accorda qu'un court instant de réflexion avant de prendre une décision : la meilleure, à son sens. Du moins, pour lui et sa famille, il y avait intérêt. Le gaillard retourna quérir sa hache avant de se traîner auprès du triste sire, la faisant tomber dans sa patte. Il regarda quelques instants son adversaire, puis parla à voix basse.
- Bonne nuit, sire.
Il leva la hache, expira, puis l'abattit sur le front de l'héritier Montdargue. Le manche, qu'il avait utilisé pour frapper, rendit un son sourd, qui résonna lorsque l'arrière du crâne du noble heurta les racines qui constituaient son oreiller. Avec ça, il en aurait sûrement pour un petit moment. Le paysan tâcha de soulever légèrement la patte qui dissimulait le visage, mais celle-ci retomba molle. Bien, la première partie du plan était accomplie. Que faire de lui, à présent ? Eusebio regarda autour de lui, fâché. Il ne pouvait pas le laisser bêtement ici ; même si d'un côté cela pourrait entraîner sa mort, vu la résistance de l'engin ça sentait surtout les ennuis pour les habitants des faubourgs, voisins de ces sous-bois. Non, il fallait le déplacer. Mais il n'allait tout de même pas le ramener comme ça à sa famille...
Ennuyé, le géant tourna en rond quelques instants, cherchant une solution, marmonnant dans sa barbe. Puis soudain, l'illumination ! La route qui menait à la cité passait non loin d'ici, il lui suffisait de le déposer sur le bas-côté pour que quelqu'un le trouve et le ramène en ville ! Quelqu'un de bien intentionné, du moins... Sinon, eh bien son problème serait réglé d'une autre manière. Quoi qu'il en soit, il devait faire vite : la matinée avançait, bientôt il y aurait foule sur la route, et il devait le déposer sans être aperçu. Se ruant vers le noble, le loup l'attrapa à nouveau par son col de cuir - hem, ce qu'il en restait - puis le traîna dans les fourrés, avançant à la hâte.
Il lui fallut un certain temps avant d'arriver en vue de son objectif, et il se montra aussi prudent que possible sur la dernière distance ; avançant à pas de loup, il laissa un instant son colis dans les ronces afin de vérifier si la voie était libre. Émergeant des fourrés, il regarda d'un côté... de l'autre... Que le Créateur soit loué, personne ! Il devait faire vite ! Le géant retourna aux côtés du noble assommé et le traîna sans ménagement jusqu'au bord du fossé. Le prochain chariot qui passerait ne manquerait pas de le voir ! Et là, si le Créateur le voulait, il serait sauvé. Sinon... eh bien, ce n'était plus du ressort du paysan !
Soulagé, celui-ci s'enfonça de nouveau dans les sous-bois, pressant l'allure. Voilà déjà un moment qu'il avait quitté la ferme, et il devait encore trouver le moyen de dissimuler et nettoyer ses plaies... Autant dire qu'il avait du pain sur la planche. Rassemblant ses affaires, il commençait à réfléchir à des excuses plausibles, puis effaça du mieux qu'il pouvait les traces de leur lutte. Pourvu que personne ne vienne fureter dans le coin avant les prochaines pluies... Boitant, le jeune loup reprit ensuite la route de sa ferme, priant de toutes ses forces le Créateur que tout aille bien, lui promettant d'aller à confesse dès le lendemain pour expier tous ses péchés.
Ce sang qui coulait le long de l'échine du paysan était loin de lui appartenir à lui seul. À ce liquide rouge qui ruisselait lentement s'était mêlé celui de Frambault dont le crâne paraissait se fendre peu à peu à chaque impact contre l'énorme tronc. C'en était trop pour lui, s'en était trop pour tout le monde; Cette bagarre stupide était allait bien loin et bientôt le piège qu'étaient les machoires de l'héritier s'était ouvert graduellement laissant derrière lui un véritable carnage de poils et de chaire.
Le corps élancé de l'héritier avait glissé sur le sol, son crâne lui causait une douleur incommensurable, le jeune mâle n'avait jamais ressentis ça auparavant et au fur et à mesure que l'adrenaline retombait la douleur s'intensifiait et ses forces l'abandonnaient. Il était à la merci de l'autre. Frambault s'était batue bêtement comme un simple roturier et il pouvait maintenant en témoigner: Le combat et la chasse était deux arts bien différents.
- Pas mal le paysan. C'était un semblant d'éloge alors qu'il s'était laissé basculer sur le coté, les cotes soulevées par d'intense haletement. Le jeune héritier avait ramené sa patte sur son visage pour cacher ses yeux de la lumière qui ne faisait qu'accentuer ses maux de crâne. Vous n'êtes donc pas tous des traine-misères, certains ont du répondant...
- Allez, vas-y, met donc fin à tout ça avant que je ne reprenne mes esprits et te fasse tuer! Avait-il finalement gronder, puisque l'on ne chassait jamais vraiment le naturel des de Montdargue.
Le géant savait qu'il encourait le risque d'être à nouveau attaqué par les piqûres de moustique de son adversaire en se plaçant aussi proche de lui, mais il ne s'attendait pas à ce que l'autre ait suffisamment d'énergie pour s’agripper à sa nuque, plantant profondément ses crocs dans les muscles serrés de son échine. Mêlant un sourd grondement de douleur aux grognements répétés du parasite, le paysan tâcha de ruer en tout sens pour s'en débarrasser, mais sentait déjà que c'était peine perdue. Le poids mort du corps de Frambault pesait sur sa blessure et ses mouvements ne faisaient que renforcer la prise du chien dans son cou.
Eusebio s'immobilisa, reprenant un peu de souffle, mâchoires contractées. Il devait réfléchir vite et bien ; à présent, la question du destin de son adversaire lui importait peu, ce qu'il voulait, c'était surtout s'en débarrasser. Et s'il ne semblait pas enclin à lâcher prise, il le forcerait à le faire.
La douleur combinée au poids qu'il devait charrier le fatiguaient encore plus vite, il devait agir rapidement avant de se trouver incapable du moindre mouvement. Rassemblant toute son énergie, le paysan fit quelques foulées pour prendre de l'élan, puis se jeta littéralement en avant, ramenant son cou dans ses épaules - du mieux qu'il put du moins, avec son parasite. Il effectua une sorte de roulade plutôt comique, digne des spectacles amusants de bohémiens de la cité, mais la réception fut nettement moins drôle. Un caillou était venu se loger juste sous ses reins et le pic de douleur lui arracha un nouveau grognement, d'autant que la pression dans sa nuque était toujours là. Raté, donc.
Fulminant, le paysan fut sur pattes dans un bond, et résista à la tentation de se secouer à nouveau dans tous les sens. Il se sentait comme une vulgaire pièce de bétail harassée par un taon, et cette idée le rendait fou de rage. Même en se laissant mollement porter, le nobliau parvenait tout de même à l'agacer au plus haut point, à croire que c'était presque un talent. Mais il n'en avait pas fini avec lui...
Regardant vivement autour de lui, Eusebio s'immobilisa soudain, un rictus narquois lui plissant les babines. Le tronc sur lequel le sire de Montdargue s'était soulagé un peu plus tôt était assez épais... Ni une, ni deux, le paysan s'élança dans sa direction, prenant de la vitesse. Sans prendre la peine de bien faire les choses, il se contenta de pivoter au dernier moment, poussa sur ses pattes arrières et s'écrasa de tout son poids le dos contre le tronc. Il sentait de longs filets de sang lui couler sur l'échine et espérait se défaire de son piège vivant rapidement, avant que celui-ci ne lui arrache la moitié de la nuque. Sentant toujours les dents fichées dans sa chair, il se cogna inlassablement contre le tronc, laissant les gouttes de sueur et de sang se mêler avant de s'écraser au sol, oubliant la souffrance qui s'insinuait dans chacun de ses membres.
Et l'autre s'était élancé comme Frambault lui avait demandé. Il n'était bien évidemment pas préparé à ça, dans un dernier élan d'agressévité et grace à la monté d'adrénaline, Frambault était venu loger sa machoire dans l'encolure du traine misère pendant que ce dernier avait tenté de le faire vriller. Maintenant qu'il le tenait il ne le lacherait plus. Comme un étaux certie de pointes tranchantes d'émailles, la machoire de l'héritier de Montdargue resserait son étreinte doucement autour du cou du paysan. Malheureusement il n'avait pas été capable de viser la gorge, ç'avait déjà été un miracle que Frambault ait pu l'atteindre.
Le noble s'était laissé pendre à la chaire de l'autre comme un poids mort alors qu'il ne lui restait plus de force que dans la machoire. Le reste de son corps n'était qu'une masse inerte. Quoiqu'il arrive, il ne lacherait plus c'était tout ce qu'il lui restait; Frambault n'était plus qu'un pantin. S'il lachait il mourait, l'autre ne manquerait certainement pas de cette occasion pour l'achever, alors il devait tenir.
Les deux orbes ambrés de l'héritier avaient presque disparus dans le noir profond de sa pupille qui avait pris toute la place possible dans son orbite. On entendait par accoup des grondements sourds sortir du fond de sa gorge et ses oreilles quant à elles basculaient d'avant en arrière de façon très rythmées.
Après son altercation avec le tronc, Eusebio profita de ce que son adversaire fut sonné pour récupérer un peu de souffle en faisant quelques pas. Eh bien, le moins qu'on puisse dire, c'est que se battre avec un noble était presque aussi fatiguant que de labourer un champ ! La fatigue venait plus rapidement aussi, le paysan la sentait affluer dans ses muscles tendus alors que l'adrénaline quittait peut à peu son corps. Quoi, déjà ? Il en aurait presque été déçu, mais le nobliau se redressant plus loin ramena la tension dans ses membres, et il se tint prêt. L'autre chargea droit vers lui pour ne s'arrêter qu'à un pas, et malgré sa bravade, le jeune loup pouvait voir qu'il était quand même pas mal amoché. Pour sa part, son flanc mis de côté, il ne pensait pas s'en tirer trop mal. Pourtant, il devait rester sur ses gardes ; pour sûr, le nobliau lui réservait encore des surprises. Et on avait dû lui apprendre à ne jamais plier face à l'adversité, donc il userait certainement ses ressources jusqu'à la fin.
C'était plutôt embêtant pour le paysan. Pour l'heure il fixait l'adversaire avec des yeux brûlants de colère, mais une partie de lui savait qu'il y avait un pas qu'il ne pourrait franchir, ni contre cet odieux personnage en face de lui, ni contre qui que ce soit d'autre. Il avait déjà transgressé beaucoup de saints versets dans ce combat, et sa morale se rappelait à lui avec sévérité. Pourtant, il devait bien sortir de ce pétrin, et pas uniquement pour lui, mais pour le bien-être de sa famille. Une vermine telle que Frambault, laissée en vie, leur ferait la misère une fois sortie de cette forêt. Et ça, Eusebio ne pouvait l'accepter.
Il se trouvait donc face à un sacré dilemme, mais pour ne pas laisser trop de temps de récupération à son adversaire, il se remit à bouger. La réflexion se poursuivrait plus tard, mieux valait se concentrer sur un problème à la fois. Se portant vivement sur la droite du bougre - il se trouvait à portée de crocs, mais qu'importe, il pouvait encaisser - le paysan se jeta latéralement sur lui, le poussant flanc contre flanc. Le but était bien évidemment de l'envoyer à nouveau dans les choux, histoire de lui ménager un petit temps de réflexion. Pour l'heure, il se contenterait d'infliger bleus et commotions au sire de Mondrague, le sang viendrait plus tard, en fonction de sa décision...
Bien trop concentré à fouillé la chaire, Frambault avait été surpris de se trouver arracher au sol. L'autre paysan avait trouvé judicieux d'utiliser son habit de cuir comme prise et surtout pour l'envoyer dans le décors. Décontenancé, brassé par le choc mais également par l'adrénaline qui redescendait lentement, l'héritier n'avait pas vu venir l'immense maillet naturel lui tomber dessus, sur le coin du crâne.
L'héritier avait sentit ses crocs s'entreclaqué et tout ce qui se trouvait à l'interieur de sa tête semblait y rebomdir de part et d'autre. Quelle désagréable sensation: Mais pas suffisament pour mettre un de Montdargue à terre. Loin d'être de véritables guerriers, c'était plutôt leur orgueil à toutes épreuves qui leur permettait de se remettre sur patte à chaque fois qu'ils étaient en mauvaise posture. Imaginez qu'on raconte ici et là que Frambault, le Limier de l'Inquisition et fils du grand Lambert de Montdargue, se soit fait completement laminé et ridiculisé par un pauvre paysan. Il avait été tant secoué d'ailleurs qu'il ne s'était même pas aperçu que sa pièce de cuir favorite avait été réduite en lambeau.
Titubant, pênant à s'élancer dans une cadence désarticulée, Frambault s'était tout de même entêté à charger de nouveau. À le voir, on l'aurait confondu avec un jeune chiot pataud, à peine assez agile pour pouvoir placer une patte devant l'autre. Sa vue était encore troublée par le choc, à la limite de perdre connaissance. Il avait déjà vécu ça: Un coup de sabot mal placé lors d'une de ses premières chasses l'avait envoyé droit au royaume des songes. Mais cette fois il ne lacherait pas et ne s'ecraserait pas sur le sol.
L'autre allait-il remplir sa part du contrat? Allait-il finalement le tuer? En avait-il seulement les tripes? Frambault ne parvenait même pas à reflechir, tout ce qui lui importait c'était de rester debout. Il s'était arrêté à un bon mètre du paysan, la langue pendante et les pattes bien fixées dans le sol. Malgré cela son corps lui tanguait. Son échine était courbée vers le bas - non pas en signe de soumission - lui permettant de mieux observer les points vitaux du géant, du moins, comme il lui était possible de le faire avec cette tête qui faisait tourner le monde autour de lui.
- Allez, approche pour voir. Fulminait-il. Il pensait pouvoir réserver à son adversaire un accueil sanglant, mais allait-il seulement être capable de ne serait-ce que se déporter d'un coté ou bien d'un autre si l'autre chargeait?
L'héritier de Montdargue faisait au moins honneur à la réputation de sa famille quant à leurs aptitudes à la chasse ; bien qu'Eusebio ne lui ait laissé que peu de marge de réaction, son adversaire avait réussi à esquiver l'impact, même si le paysan attrapa quand même son arrière-train à l'atterrissage. Le noble sire s'en retrouva propulsé un peu plus loin, mais fut rapidement sur pattes, le temps que le jeune loup se réceptionne et amorce une rotation pour lui faire face. Il n'eut que le temps de stabiliser sa position avant que l'autre revienne à la charge, visant son flanc, qui étaient encore à découvert. Loin de déranger le géant, cette manœuvre lui parut tout à fait exploitable.
Il ne s'agissait plus d'un petit pincement cette fois, mais bien d'authentiques trous que les crocs et griffes du noble infligeaient à sa peau, mais le paysan supporta sans ciller. Il pouvait bien sacrifier quelque poils pour profiter de la proximité de son ennemi... D'ailleurs, voilà un très beau col qui lui ferait une prise idéale. Courbant vivement l'échine, l'italien plongea ses crocs au niveau de la nuque, appréciant la qualité de l'ouvrage recouvrant le cou de Frambault. Dommage d'abîmer un si beau travail, mais il fallait bien en passer par là ! Il avait d'ailleurs hâte de l'éloigner de ses côtes, qui le lançaient sous les assauts répétés du sieur de Montdargue.
Poussant avec fermeté et jouant de son élan grâce à sa formidable taille, le jeune fit appel à tous les muscles puissants de son cou et son dos pour écarter l'assaillant, le propulsant à nouveau loin de lui. Mais leur rapprochement ne saurait tarder encore une fois... Remis de son mouvement brusque, Eusebio poussa derechef sur ses pattes pour repartir à la charge, souhaitant ne laisser que peu de répit au noble. Avisant un jeune tronc sur son chemin, il bondit sur l'écorce sèche - l'arbre était mort depuis un moment vu sa faible résistance - cassant net l'énorme gourdin droit vers sa cible. Et si jamais il se dégageait sans être atteint, le gaillard pourrait toujours s'en servir comme une arme.
Frambault avait été éduqué à la chasse, il avait donc appris à s'attaquer à plus gros que lui et parfois même plus vif, bien qu'il n'ait jamais été celui que l'on mettait en danger. Les sangliers et les cerfs savaient se débattre, mais les plus vigoureux et surtout les plus hargneux d'entre eux n'avaient jamais été donné à abattre au jeune héritier; Déjà trop de jeune bourgeois mourait bêtement d'accidents de chasse, il aurait été dommage que Frambault s'ajoute à la liste.
Il en gardait cependant un grand enseignement; les gros animaux on ne pouvait pas les abattre d'un seul coup et encore moins leur tenir tête sur le plan de la force physique. Il fallait faire preuve d'avantage d'agilité et surtout il fallait epuiser la bête. Là, les choses étaient différentes, il s'agissait d'un combat face à un autre canidé, une créature pensante et intelligente pas du simple gibier dont l'instinct basique les rendait parfois tellement prévisible.
Il n'avait pas eu le temps de cligner des yeux que le pouilleux s'était élancé dans sa direction, pret à le faire disparaitre sous tout son poids. L'impact aurait été dangereux et aurait vraisemblablement coupé le souffle du Limier. Son coeur n'avait fait qu'un tour et ses pupilles dilatées lui avait donné cet air de surprise qui le rendait presque attendrissant - autant que pouvait l'être un sale gosse -. Réactif, fort de ces années de chasse, Frambault s'était laissé couler sur le coté mais l'autre ne manquant pas de lui balayer l'arrière main il avait valsé un peu plus loin. Rapidement remis sur pattes, motivé par cette envie d'ecraser le paysan, il avait jeté tout crocs en direction de ce dernier le regard dirigé vers son flanc. Il s'agissait de toucher les zones peu charnue, de les racler et d'agir sur le mental de l'animal.
Il était impressionant, mais pas plus qu'un grand gibier. Mais lui, il avait des crocs, des griffes et il voyait rouge depuis que Frambault l'avait provoqué. Même plongé dans le combat, le jeune seigneur commençait à comprendre son erreur et même à s'imaginer le pire: Ces petites gens qu'il meprisait tant étaient de veritable force de la nature. La vie et le travail de la terre s'était chargé de les forger, lui à coté il n'était rien.
- Te rends-tu seulement compte de ce que tu viens de faire? Eh bien, visiblement le jeu était terminé, le nobliau avait l'air davantage en colère que hautain à présent ; voilà qui satisfaisait grandement Eusebio, qui le regarda venir vers lui en furie. Tu viens de te faire un puissant ennemi, le gueux, tu viens de condamner toute ta petite communauté de mange-merde. Après avoir profèrer de telles paroles ta seule chance de t'en sortir serait de me tuer pour que jamais les menaces que tu viens de baver à mon encontre ne parviennent aux oreilles de ma famille.
Les termes plus qu'irrespectueux employés par Frambault firent grincer des dents le paysan, mais il se tint fermement devant l'adversaire, ne cédant pas un pouce de terrain. Il était conscient du critique de la situation, de sa position plus que délicate vis-à-vis du Limier de l'Inquisition, un des potentiels héritiers de la famille de Montdargue ; mais l'adrénaline coulait dans ses veines et l'empêchait de s'inquiéter de ces choses-là. Il mesurerait sa folie une fois qu'il aurait retrouvé son calme, ce qui ne risquait pas d'arriver de sitôt.
- C'est bien là votre manière de faire, menacer toute une population alors que vous n'êtes même pas capable de régler un problème tout seul, comme un grand... Ne me tentez pas de mettre fin à ces calomnies que vous proférez ; je n'ai pas peur de vos paroles, et vous lancez bien trop d'insultes à la ronde pour que je sois le seul à incriminer.
Plus que jamais, il remerciait la patience de sa mère et de sa grand-mère, leur dévouement par rapport à sa brève éducation du beau-parler avant qu'il ait l'âge et la force d'aider son père ; jamais il n'aurait pu faire face à un noble s'il s'était senti incapable de riposter verbalement. En face de lui, le jeune coq affichait toute sa colère, mais aussi... une légère crainte, peut-être ? Voilà qui était encore plus satisfaisant.
- Mon frère sait où je suis parti, si je disparai et que les enquêtes ne mênent à rien qu'est-ce qui les empêchera de bruler la minable porcherie qui te sert de toi et la paillasse pourri sur laquelle toi et tes quarantes bâtards de frères et soeurs dormez?
Un grondement sourd s'échappa de la gorge de l'italien, et il coucha les oreilles, faisant un pas en avant. Là, les bornes de sa tolérance venaient de céder sous la force de sa colère, alimentée par le renouvellement des injures contre sa famille. Cet idiot de noble était allé bien trop loin, peu importe les conséquences, Eusebio exigeait une réparation pour l'honneur des siens. Même la possibilité de voir débarquer la famille Montdargue au grand complet n'aurait pu l'arrêter tant sa rage était immense. C'est à travers le voile rouge de l'ire qu'il perçut les derniers mots de son adversaire :
- Maintenant, l'echassiez, si tu posais ce que tu portes et venais tenter ta chance d'être le champion de tous ces bouseux misérables, ces racles merdes, en te débarassant de l'héritier de Montdargue.
Le jeune loup poussa un rire rauque, lançant sa tête en arrière dans un ample mouvement. A mesure que les sons graves s'amenuisaient, il reporta lentement son regard sur le chien ; ses prunelles acérées s'accrochèrent à celles de Frambault et n'en dévièrent plus. Affichant un air déterminé, Eusebio laissa un rictus narquois soulever ses babines.
- A vos ordres, Monseigneur. Et avec grand plaisir, si je puis me permettre.
D'un mouvement d'épaule, il fit glisser son écharpe à terre, la repoussant de la patte ; son échine et son poitrail musclés firent leur apparition, et il trouva également amusant de faire rouler les muscles en dessous, simulant un échauffement. Il ne perdait pas son sourire en coin, se délectant de faire patienter le bourgeois, griffant le sol pour se mettre en condition. Puis il se campa sur ses pattes, savourant la tension dans tous son corps ; il ne devait pas perdre à l'esprit qu'en tant que chasseur, le sieur de Montdargue disposait peut-être de réflexes qui pouvaient l'avantager.
- J'espère que vous êtes prêt.
Sans plus de formalités, le gaillard se ramassa sur lui-même et banda ses muscles, s'élança avec souplesse et rapidité vers sa cible. Les pattes tendues, il n'avait pas vraiment l'intention de le déchiqueter de suite, seulement de le clouer au sol et de l'écraser sous son poids. On n'avait jamais connu Eusebio ni très imaginatif, ni sadique ; pourtant, actuellement, de nombreuses idées de torture naissait dans son esprit embué par la rage, et la plupart lui plaisait bien...
Il vit la hache voler dans sa direction et presque l'efleurer. L'autre avait tenté de le tuer? De l'impressioner encore une fois? C'était très loin de plaire à Frambault qui s'appercevait doucement que ses menaces de petites frappes n'avaient aucun effet sur le paysan et pire encore, il avait tendu le baton pour se faire battre. C'est qu'il avait du répondant le gueux et si de se faire ridiculiser par un traine-purin le faisait bouillir de rage, se trouver face à un individu avec du répondant lui avait également apporter un doux frisson le long de l'échine: Personne à part les autres richards n'osaient l'ouvrire devant Frambault, personne ne lui tenait tête sauf ces vieilles peaux de Yolande de Longroy et sa famille. Les autres courbaient tous l'échine sauf lui, un minable petit serf des Pastore.
C'est alors qu'en récupèrant son arme et en retournant à Frambault ses piques, le pécore avait précisé une chose qui sur le moment n'avait pas réellement fait tilter l'héritier. Personne ne l'appreciait ici.
- Vous ne semblez pas comprendre à quel point vous êtes seul, ici. Où allait-il en venir? Le Limier attendait patiemment la suite, pendant aux babines de l'autres pendant que ses prunelles ambrées le dévisageait. Si quelque chose venait à arriver, personne ne s'en plaindrait, bien au contraire. Il faudrait de nombreuses lunes à l'Inquisition pour découvrir de simples indices. Et le seul fait de désigner des coupables au hasard ne changerait rien au fait que... eh bien, que vous ne seriez plus là pour déshonorer votre famille par votre manque de savoir-vivre.
S'en était de trop. Frambault ne s'amusait plus soudainement, il se sentait en danger; Il ne s'était jamais vraiment senti en danger de toute sa vie jusqu'à ajourd'hui et cette sensation était vraiment désagréable. Ce petit paysan avait raison et le fait même de s'en rendre compte rendait l'héritier fou de rage.
- Te rends-tu seulement compte de ce que tu viens de faire? Avait grogné le jeune mal-élevé. Le noble avait presque fondu devant l'autre, les crocs dévoilés et la queue haute. Tu viens de te faire un puissant ennemi, le gueux, tu viens de condamner toute ta petite communauté de mange-merde. Après avoir profèrer de telles paroles ta seule chance de t'en sortir serait de me tuer pour que jamais les menaces que tu viens de baver à mon encontre ne parviennent aux oreilles de ma famille. Allait-il osé le faire? Ce n'était qu'une grande gigue de gamin à la langue bien pendue mais Frambault était partagé entre un frisson de colère et de peur pendant que son échine commençait doucement à se hérisser.
- Mon frère sait où je suis parti, si je disparai et que les enquêtes ne mênent à rien qu'est-ce qui les empêchera de bruler la minable porcherie qui te sert de toi et la paillasse pourri sur laquelle toi et tes quarantes bâtards de frères et soeurs dormez? Tous les paysans étaient les mêmes, aucune tenu et aucun classe, pas comme Frambault qui parlait d'un français poétique et gardait son sang-froid en toute circonstance. Lantelm était-il réellement au courant de la petite escapade de son frère? Qui savait le dire.
- Maintenant, l'echassiez, si tu posais ce que tu portes et venais tenter ta chance d'être le champion de tous ces bouseux misérables, ces racles merdes, en te débarassant de l'héritier de Montdargue. Voilà qu'il voulait en découdre maintenant, ayant oublié la peur qui le faisait frémir plutôt. Il était gonflé d'orgueil et surtout prêt à attaquer, à faire voler les poils et tapisser le sol de sang.
- Ah oui, ces petites choses fades...
Le tout accompagné d'un petit rire hautain ; une fois de plus, Eusebio se sentit blessé dans son honneur et celui de sa famille. Leurs légumes étaient les meilleurs du marché, de tout Paris même... Il fallait vraiment ne rien y connaître, ou être un ignorant des bonnes choses pour faire ce genre de remarques ! Le géant ne doutait pas que le but était seulement de l'atteindre et de le rabaisser, et que ce noble de pacotille était de toute façon un ignare fini, mais il se sentait néanmoins outré. Son petit manège avec la hache fit se froncer les sourcils du sieur de Montdargue ; s'il se sentait provoqué, tant mieux. Qu'il vienne donc encore chercher des noises au paysan et celui-ci riposterait sans états d'âme.
- Tu es toi aussi bien loin de ta maison, l'italien... Les Pastore ne valent rien ici, ce ne sont que des invités.
Un rictus mauvais vint tordre les babines du jeune loup. Il était né ici, à Paris, et Reign était son pays, comme celui de son père, son grand-père, jusqu'au grand-père de son grand-père qui était arrivé ici, et avait fait de ces nouvelles terres leur maison. Depuis, ils avaient été acceptés comme habitants de ces contrées par tout le monde, et à l'heure actuelle, personne ne les verrait repartir sans se désoler ou protester. Le noble s'était approché, et le paysan ne se gêna pas pour le toiser froidement de haut, profitant de son avantage de taille sans rougir.
- Détrompez-vous, Monseigneur. Nombreux sont ceux ici qui nous considèrent comme leurs voisins légitimes, dans les faubourgs et même dans la cité.
Il ne pouvait supporter cette engeance de vipère qui se plaisait à répandre son venin sur le dos de ses congénères. Mais bientôt, le chapitre des origines fut vite refermé, portant bientôt sur un tout autre sujet, lourd de menaces.
- Que t'aprettais-tu à faire avec cette hache?
- Couper du bois, Monseigneur, cela me semble évident. Il avait rétorqué du tac au tac, impassible, attendant la suite en restant parfaitement de marbre.
- Je ne suis pas certain que tu aies l'autorisation de couper ce bois... Ni d'avoir une telle arme en ta possession; Du moins l'Inquisition trouverait ça étrange.
Le jeune loup esquissa une grimace amusée ; il fallait bien avoir l'esprit tordu et paranoïaque d'un Montdargue pour penser une hache comme une arme, et non comme un outil. A moins que ce pauvre noble n'aie plus d'autres options que de tenter lâchement de le menacer, pour le faire céder. C'était peine perdue ; les habitants des faubourgs étaient autorisés à prélever du bois, pour entretenir les forêts. Sinon, ces foutus snobs seraient capables de se vautrer dans les fourrés. Il ne portait pas l'Inquisition dans son cœur, mais ici, entre ces arbres et dans le silence de cette matinée d'hiver, en tête-à-tête, il ne se laisserait pas impressionner.
- Je vous remercie de votre sollicitude et de votre mise en garde, mais je crains que l'Inquisition n'aie pas de sérieux reproche à me faire.
- Range cette hache et dégage de MON bois. Voilà qu'il s'énervait ; sale gosse pourri gâté, à la tête aussi enflée que les melons en été. Campé sur ses pattes, Eusebio le regarda s'éloigner, sourcils froncés. Lorsqu'il se soulagea sur un des troncs, le paysan ne put retenir une expression de choc, yeux écarquillés. Non, tout compte fait, tu peux venir couper cet arbre! Les terres de Pastore ne sont même pas assez bien pour qu'on s'y soulage.
Toujours gloussant comme une écervelée. C'en était trop. Les injures se multipliaient dès que ce cabot remuait ou ouvrait sa stupide gueule, et voilà bien plus qu'Eusebio ne pouvait supporter. L'honneur de sa famille et celle des Pastore était souillé dans les mots de ce rustre de nobliau, mais il était temps qu'il ferme son clapet. Laissant le chien rire de ses propres blagues, le paysan jeta un coup d’œil aux alentours, vérifiant l'absence totale de témoins. Bien. Sans un mot, il vint extirper sa hache du sol - cette bonne vieille arme de guerre - et la soupesa un instant dans sa patte.
Puis, sans crier gare, il l'envoya se ficher dans le tronc souillé, non loin de la noble tête de sieur Frambault. La lame mordit profondément le bois dans un bruit sec qui résonna quelques instants autour d'eux, fichée jusqu'aux deux tiers de la pièce de métal. Dommage, il n'avait pas loupé sa cible. En quelques grands pas, il avait rejoint son désagréable interlocuteur, et voilà qu'il venait volontairement tout près, posant une patte sur le manche de la hache, fixant le noble droit dans les yeux.
- Vous avez raison ; mieux vaut l'abattre, il est infesté par la vermine. D'un geste brutal qui fit voler quelques éclats de bois et vibrer le tronc, il arracha son outil, maintenant le contact visuel avec le fameux Limier. Les terres des Pastore sont trop bien pour vous. S'il est besoin de vous le rappeler, personne parmi les petites gens ne vous apprécie, dans les faubourgs.
Le géant se redressa, puis se détourna, rangeant à nouveau la hache dans son harnais et retournant à son petit bois. Une veine de colère battait à sa tempe, mais il tâchait de modérer ses ardeurs. L'idée de voir ses pattes souillées du sang de sieur Frambault le dégoûtait.
- Vous ne semblez pas comprendre à quel point vous êtes seul, ici. Tout en parlant, il regroupa le bois qu'il avait déjà déniché, formant un fagot. Si quelque chose venait à arriver, personne ne s'en plaindrait, bien au contraire. Il faudrait de nombreuses lunes à l'Inquisition pour découvrir de simples indices. Et le seul fait de désigner des coupables au hasard ne changerait rien au fait que... Il termina de lier les branches entre elles, releva la tête et observa un court silence avant de se retourner vers le noble. ... eh bien, que vous ne seriez plus là pour déshonorer votre famille par votre manque de savoir-vivre.
Le grand serf ne s'était pas laissé impressionné par Frambault, loin de là et le jeune noble l'avait bien remarqué. Il s'était contenté de répondre de la façon la plus simple a l'héritier de Lambert de Montdargue afin de ne pas se montrer malpoli et de s'assurer que que celui n'ait rien à lui reprocher. La grande gigue était fébrile, surement retenait-elle l'envie d'arracher ce sourire hautain du visage de Frambault.
- En effet, Monseigneur. C'est ma famille qui fournit à la ville les légumes qui accompagnent vos plats de viande, en toute saison. C'était ce qu'il avait dit. Le Limier de l'Inquisition n'avait pas manqué l'occasion de pouffé de façon éxagèré.
- Ah oui, ces petites choses fades... Comme s'il venait de se souvenir des-dits légumes. Le géant avait quant à lui commencer son petit manège pour impressioner le noble et il avait bel et bien touché sa cible! D'un geste puissant et vif il avait envoyé la hache qu'il portait dans le sol givré. Était-ce une menace? Les sourcils de Frambault s'était froncé; Il était noble et peu de personne avait le courage de s'attaquer à des individus de son statut mais il y en avait des hors la loi, des téméraires qui se foutait completement des conséquences.
- Pourrais-je savoir ce que vous venez faire par ici, Monseigneur ? Vous voilà plutôt loin de votre maison et de votre forêt. C'était une menace. Le museau de Frambault s'était doucement plissé alors que sa queue s'était mise à fouêter l'air.
- Tu es toi aussi bien loin de ta maison, l'italien... L'accent du jeune paysan n'était pas de ceux que l'on entendait dans les campagnes de Reign et Frambault l'avait bien remarqué. Les Pastore ne valent rien ici, ce ne sont que des invités. Il s'était approché en contournant la hache qu'il avait observé d'un mauvais oeil pour se retrouvé à une longueur de patte du paysan.
- Que t'aprettais-tu à faire avec cette hache? L'avait-il interrogé alors que son regard n'avait pas quitté le-dit outil. Je ne suis pas certain que tu aies l'autorisation de couper ce bois... Ni d'avoir une telle arme en ta possession; Du moins l'Inquisition trouverait ça étrange. Etrange qu'un simple paysan fasse son travail et aille couper son bois pour se chauffer en hiver? Frambault pourrait dire ce qu'il voulait et on l'écouterait.
- Range cette hache et dégage de MON bois. Le sale gosse de Montdargue s'en était allé devant le premier arbre du chemin et y avait levé la patte pour y laisser la trace de son passage comme un vulgaire roturier mal éduqué. Non, tout compte fait, tu peux venir couper cet arbre! Avait-il gloussé maintenant qu'il avait souillé le bois.
- Les terres de Pastore ne sont même pas assez bien pour qu'on s'y soulage.
Eusebio avait déjà remarqué la veille, en ramenant du bois de la réserve pour leur feu, que celle-ci commençait à se vider. Il avait donc décidé, dès le lendemain, de partir chercher de quoi la remplir, au cas où les gelées se feraient plus sévères avant le retour du printemps, comme il arrivait parfois. La matinée était remarquablement douce, mais il maintint son projet. Mieux valait prévenir que guérir ; les carottes n'étaient pas encore prêtes à être ramassées, ils s'étaient déjà occupés des céleris, et les plus jeunes étaient partis récolter de la mâche dans les champs en friche aux alentours. Il pouvait donc s'absenter sans crainte, la ferme n'aurait pas un besoin vital de sa présence ce matin.
Équipé de son harnais, dans lequel il avait glissé des cordes et deux trois outils, et d'une simple écharpe de laine brute roulée autour de son cou et sur ses épaules, le gaillard s'éloigna dans les faubourgs, quittant la civilisation pour les fourrés, puis les prémices des bois. Là, il se mit en tête de réunir du petit bois, avant de s'attaquer aux plus gros calibres. Il était en train de jauger un tronc lorsqu'il perçut du bruit dans son dos ; à peine eut-il le temps de se dire qu'un des petits avait dû suivre sa trace, qu'il sentit un pincement sur son flanc. Sans trop de surprise - il était une cible de choix pour les chamailleries et les farces des enfants, vu qu'il ne s'énervait jamais et adorait jouer avec eux - il amorça un léger demi-tour, mais resta figé face au petit farceur en question.
Un petit farceur avec un très beau col, d'une qualité bien supérieure à ses vieilles frusques. Un noble, donc.
- Oh, tu n'es pas un cerf. Qu'est-ce que tu peux bien être grande gigue?
Eusebio fut trop choqué pour réagir dans un premier temps ; d'une part, il ne s'attendait pas du tout à tomber nez à nez avec un grand bourgeois dans ces taillis. D'autre part, il faisait montre d'un tel mépris que le jeune paysan en eut le souffle coupé, et se contenta de fixer bêtement son interlocuteur. Celui-ci se mit à le détailler de tous côtés, rôdant autour de lui comme s'il n'était rien d'autre que du gibier, ce qui finit par réveiller quelque peu l'italien, agacé d'un tel comportement.
- Je suis étonné que ceux de ma famille ne t'aient pas encore traqué et tué. Regarde-toi.
Le géant arqua un sourcil, fort mécontent. Voilà au moins qui le renseignait sur l'identité de ce charmant personnage ; certainement un de Montdargue, les chasseurs, les hautains. Et vu le niveau de celui-ci, il ne pouvait s'agir que de Frambault. Eusebio ne l'avait encore jamais vu - ils ne fréquentaient pas les mêmes milieux, n'est-ce pas - mais en avait longuement entendu parler. S'il était respectueux des grandes familles de manière général, l'arrogance des Montdargue le faisait rapidement sortir de ses gonds, quelle que soit la position de ce petit chef. Pourtant, il resta gueule close, sourcils froncés, tandis que l'autre se postait devant lui.
- Tu travailles pour les Pastore?
Le jeune noble avait tort de venir montrer sa hargne pour le peuple ici, là où il n'avait pas sa place, et surtout seul dans une forêt ; face à un simple paysan, certes, mais qui faisait facilement une tête de plus que lui. Eusebio n'avait pas l'âme d'un donneur de leçon, mais si son vis-à-vis manquait encore de respect à sa caste ou à la famille Pastore, il ne répondait plus de rien. Pour l'heure, il tâcha de réunir son sang-froid et d'user d'une froide politesse, seule chose dont il était capable dans sa colère naissante. Ses côtes fourmillaient là où l'outrecuidant s'était permis de le pincer.
- En effet, Monseigneur. C'est ma famille qui fournit à la ville les légumes qui accompagnent vos plats de viande, en toute saison.
Il omit volontairement de relever les premières piques, bien que celles-ci goûtent comme un poison qui lui brûlait la langue. Il se sentait froissé d'avoir été confondu pour du gibier ; même s'il aurait pu en être flatté, pour la taille et l'élégance de ces animaux, la manière dont il en avait été qualifié et la morsure l'avaient immédiatement remis à sa place de moins que rien. Et ça, il avait décidément du mal à le digérer. Saisissant le manche de la hache qu'il avait installée dans son harnais, il l'envoya se planter toute droite dans le sol gelé, d'un mouvement de patte brusque et rapide ; la lame acérée ne produisit presque pas de bruit lorsqu'elle s'enfonça dans la terre compacte. Bien sûr qu'il avait fait ça pour impressionner le noble ! Et il n'en avait pas encore fini avec lui. Faisant un pas dans sa direction, Eusebio se redressa de toute sa hauteur, dardant un œil mauvais sur le malapris.
- Pourrais-je savoir ce que vous venez faire par ici, Monseigneur ? Vous voilà plutôt loin de votre maison et de votre forêt.