" (...) Je sais. J'aurais aimé que tout cela se passe autrement. "
Étalée de tout son long dans l'herbe fraiche, Bellevale souffla, sa respiration faisant danser les brins d'herbe. La Générale ne s'accordait que très peu de repos, même en temps de paix mais cette fois, son corps et son esprit avaient atteint un seuil critique et réclamait leur soirée au calme. Plus d'incendies, plus de prophètes, plus de Créateur le temps d'une seconde, seulement le chant des rossignols et l'écoulement de l'eau qui berçait sa nuit.
" Tu penses que j'ai fait le bon choix avec cette... " Elle grimaça. " Aisance. Si elle est de mèche avec ce Prophète, je ne me le pardonnerai pas. Paris n'y survivra pas. " Son regard dorée lancée devant elle, elle retint soudain son souffle. " La tuer ? Mais, sans preuves, c'est impossible. Ne racontes pas de sottises. " Elle ricana, presque. Son sourire affichant un rictus amusé et quoiqu'un peu las.
Un temps.
" Tu as peut-être raison. Je me laisse aller. "
Un nouveau silence.
" ... ! Je ne suis pas vieille ! Retire cela tout de suite ! " Elle contra pour la forme en se couchant sur le flanc, le regard accrochée sur l'immense tige d'acier affutée. Avi, son épée et jusqu'à aujourd'hui, seul compagnon.
Les crocs dans sa fourrure rêche et maintenant rasés de près par endroits, ils s'accrochèrent tels des crochets dans sa peau. Dans son moment de victoire, Bellevale s'autorisa une pointe d'humour comme elle savait si bien (ne pas) faire.
" Vous souhaitez que je vous lise vos droits ? " Elle marqua une pause. " Ah oui c'est vrai, vous n'en avez pas. "
(FIN)
La femelle finit par s'écraser lourdement conte le rocher. Il entendit le choc entre la masse de la Générale et la pierre. Bellevale se laissa glisser contre la parois rocheuse et s'assit quelques instants.
Elle en profita pour recracher l'énnorme peluche de poil qu'elle avait arraché à Krismund. Pendant un instant, le patriarche visualisa pendant quelques secondes un énorme trous dans sa fourrure dense et se sentit ridicule.
" D'accord. Vous n’êtes peut-être pas si infime que cela. "
"Et c'est pour cela que je vais vous faire une place au chaud dans nos cachots. "
Le mâle capta rapidement que quelque chose ne tournait pas rond. Ses oreilles se plaquèrent contre son crâne.
- Quoo ...
Malheureusement, le bohémien n'eut pas le temps de finir sa phrase que les mâchoires de la Dame se refermèrent sur sa nuque. Il se crispa et ne bougea plus, impossible d'esquisser le moindre mouvement. Les crocs serrées sur sa nuque eurent l'effet escompter par la molosse : il était pris au piège.
Le reste de la fourrure du Bohémien entre les dents, lorsqu'elle rouvrit les yeux, l'épaule de Krismund rencontra sa mâchoire puis son nez. Un trou noir de quelques secondes et se fut une vide douleur dans son échine qui la réveilla d'un sursaut. Une immense pierre venait percuter son dos, elle glissa vers le bas, en position assise.
" D'accord. "
Elle recracha la touffe de poils, encore entre ses dents.
Si il y avait un stade au dessus de la colère et la frustration, Bellevale venait de le pulvériser.
" Vous n’êtes peut-être pas si infime que cela. "
La lutte avait été longtemps son fort avant l’acquisition de son compagnon, et il lui était dur de l'admette, mais elle s'était trop reposer sur ses compétences à l'épée. Mais qu'un vieillard réussisse à la mettre au sol, il en était hors de question. Malgré leur deux ages avancés, Krismund semblait véritablement accusé le coup de son audace. Elle aussi commençait à s'émousser mais parvenait heureusement à le cacher, même si un petit boitillement lorsqu'elle se releva se manifesta.
"Et c'est pour cela que je vais vous faire une place au chaud dans nos cachots. " Le Bohémien ne comprendrait sûrement pas mais cela lui importait peu. Si elle ne pouvait obtenir une victoire facile sur le physique, elle pouvait néanmoins abattre son pouvoir et son influence sur n'importe qui, tel ... l’inquisition ?
Un moment d'hésitation lui traversa l'esprit.
" C'est de la racaille, de la vermine du Braillard de surcroit! " murmura une voix qui fit écho dans son crâne. Et ce fut assez pour la faire repartir en direction du chef des bohémiens, désirant l'immobiliser plus que le tuer. Attraper le chef démantelait toujours les organisations quelque soit leur nature. Les dents de la Générale visèrent sa nuque pour le plaquer au sol.
Le choc entre les deux corps fut volent, même pour lui, assaillant. Bellevale s’effondra sous son poids et mordit littéralement la poussière sur le sol sale de la forêt et du bord du cours d'eau.
" ARGH! "
Krismund se releva, sonné et recula de quelques pas. Bellevale se releva, bouillante de colère, se secoua et éternua. Le mâle reçut quelques poussières dans les yeux ainsi que de la morve. Il secoua vainement la tête pour enlever ces immondices de sa cornée.
Entre temps, la femelle se repositionna face à lui et se jeta cops et âme vers lui, crocs apparent. Le bohémien ne lavait pas vu venir, mais il la sentit. Par pur hasard, il avait eut un léger mouvement de recul pour chasser la terre de ses yeux, et les dent acérés de Bellevalle s'enfoncèrent daans sa chair, à quelques centimètres de la précieuse jugulaire. Au passage, la sauvage lui trancha quelques vaisseaux sanguinset des veines.. Pris de douleur, il recula de plus belle, ouvrant difficilement les yeux et regardant son poitrail. Les gouttes de sang perlaient sur son pelage. Deux trous rouges laissaient glisser le long de ses poils un liquide pourpre. Le filet de sang n'était pas abondant, mais il ne tiendrait pas longtemps sans se reposer.
Il souffla et lança un regard noir vers Bellevale, furieux.
La douleur l'avait enivré. Il désirait combattre, tuer, blesser.
Il fonça sur Bellevale. Littéralement. Ses pattes arrières le propulsèrent vers la molosse. Il se réceptionna à quelques centimètre de la femelle, à sa droite. Profitant de sa force et de sa détente, il bascula tout son poids sur son côté droit et poussa de toute ses forces la sauvage à l'opposé. Épaule contre épaule. Son objectif ? La faire voler [ou du moins la faire tomber] contre le rocher qui était à moins d'un mètre d'eux. Il ne l’assommerai certainement pas, mais cela suffirait à la sonner un minimum, et pourquoi pas, lui casser quelques côtes.b Il rêvait d'entendre le craquement de ses os contre la roche.
Sous son impulsion, il vit la chienne propulsée vers le rocher. Allait-elle se rattraper ? Ou s'écraser contre le rocher ? Peut être que Krisund avait mal viser ? Si il ratait son coup, la vengeance de la chienne allait être sanglante.
Leurs poids se rencontrèrent et s'entrechoquèrent. La crane de Bellevale percuta le poitrail du vieillard et le corps de celui-ci tomba sur elle, pliant son échine. L'avant du corps de la colosse déblaya le sol et ses narines se remplièrent de terre. " ARGH! " Elle pesta, les yeux fermés, comme aveugle.
Elle se releva, se secouant. Elle éternua à plusieurs reprises, faisant voler la morve et la terre boueuse réunie avant de se repositionner devant le porte-parole des bohémiens. La Générale fonça de nouveau, crocs en avants cette fois. Sa mâchoire prête à saisir sa jugulaire.
" Il n'y a rien d'amusant! C'est un combat à mort! "
Le mâle fut surpris quand il vit arriver la bête droit sur lui. Il s'attendait à un coup de crocs. Mais la belle fonçait tête baissée, tel un taureau fonçant sur son adversaire. Sa vitesse était telle qu'il réussit à l'esquiver de justesse. Enfin, pas totalement.
Le grand dadet eut à peine le temps de tourner légèrement son corps pour ne pas se la prendre de plein fouet. La tête de Bellevale s'enfonça dans le cou mou et gras du mâle au lieu de lui exploser la mâchoire. C'était donc une réussite. Douteuse, mais une réussite. Il amortit le choc du molosse. Ses pattes glissèrent légèrement sur les cailloux mousseux du cours d'eau. Son souffle s'accéléra suite au choc, mais rien de bien grave.. Fronçat les sourcils, il secoua la tête pour reprendre ses esprits.
"Combat à mort" résonna dans sa tête. Cette vieille harpie était donc sérieuse. Il fallait qu'il se bouge le trou du cul si il ne voulait pas crever la gueule ouverte dans cette rivière.
Il gronda, menaçant. Krismund, ne souhaitait pas blesser qui que ce soit -contrairement à la furie devant lui qui ne voulait que sa mort-.
Krismund s'avança. Rapidement, il il avança sa tête et fit claquer sa mâchoire à quelques centimètres de son oreille. Il avait pourtant viser l'oreille de la femelle. Problème de distance et de vue.
Vieillesse quand tu nous tient ..., se dit-il..
Sur le coup, il se sentit con, mais réagit rapidement, conscient que sa jugulaire se trouvait alors à quelques centimètres des jolis crocs de sa rivale.
Instinctivement il se dressa sur ses pattes arrières, prit son élan et s'apprêter à s'abattre, pattes et crocs en avant, sur Bellevale. [Au niveau de son poitrail et/ou museau].
" Il n'y a rien d'amusant! C'est un combat à mort! " elle aboya alors, furibonde devant la nonchalance de son adversaire. Sans attendre la femelle se jeta sur lui, tête en avant. Au lieu d'user de ses crocs, elle opta pour un coup de boule bien placé dans la mâchoire. Son crâne se dirigeant activement vers la figure du vieux chien, prêt à lui faire tomber une ou deux dents.
Vous voulez mourir ? Très bien ! Cela m'évitera de la paperasse. "
Krismund souffla et leva les yeux au ciel.
- Mordiable, vous n'écoutez rien Ma Dame. Et dire qu'on nous traite de gueux alors que nous sommes visiblement plus gentil et civilisés que vous. Sornettes.
" Traversez donc et venez vous battre, si vous pensez en avoir encore la force, vieux fou ! Votre tête me servira de trophée et votre peau, de tapis ! "
Krismund sembla offusquer par tant de violence pendant un cours instant, puis, un sourire s'afficha sur son visage.
- Vieille folle toi-même, canaille ! lâcha-t-il en riant et en s'élançant vers le cours d'eau.
Il pensa un cours instant à ses pauvres articulations qui ne supportaient pas l'humidité et l'eau -d'où la puanteur de Krismund qui ne se lave que rarement-.
Le mâle n'était guère plus âgé que Bellevale, mais il le semblait. Les années l'avaient marqués. Cependant, Krismund était plus grand que la générale, d'une dizaine de centimètre. Au combat, la taille compte, mais pas que. La force aussi compte, et la tactique. C'était certainement ce qu'il manquait le plus au patriarche.
L'eau l'éclaboussait. Il se tint à quelques mètres de la colosse et resta immobile. Il la jaugea mais ne bougea pas. Les bohémiens se battaient rarement entre eux -en Bohème du moins-, et lorsque bagarre il y avait, les mâles devaient laisser les femelles esquisser le premier geste. Curieux, n'est-ce pas ?
La femelle qui avait préféré porter son épée entre ses dents pour la traversée se stoppa une nouvelle fois, sur l'autre rive. Ses sourcils se froncèrent et son nez se plissa d'agacement. " Vous voulez mourir ? Très bien ! "
Elle se secoua, faisant voler l'eau de son pelage court. " Cela m'évitera de la paperasse. "
Posant précautionneusement son bien, elle s'assit, droite comme un piquet et le menton levé. " Traversez donc et venez vous battre, si vous pensez en avoir encore la force, vieux fou ! Votre tête me servira de trophée et votre peau, de tapis ! " Un combat amicale avait-t-il dit ? Elle n'avait rien entendu de cela.
En dessous, l'eau n'était pas bien folle, quelques petites rapides surmontables pour n'importe quel chien en pleine santé. Quelques cailloux glissants et des poissons coquins, n'hésitant pas à vous mordiller ou s'infiltrer entre vos pattes.
Elle ria. C'était l'une des premières fois qu'il entendait la molosse rire. Cela lui fit l'effet d'un électrochoc. Elle avait donc la capacité de rire. Il resta muet un instant.
Puis, il haussa les épaules. Il pouvait comprends que sa remarque la fasse rire, après tout, la plupart de ses semblables ne semblait pas bien méchant, il passer leur temps à danser.
Krismund avait rarement danser. Très rarement.
" Sans aucunes armures, ni épées ? Vos crocs ont l'air émoussés. "
C'était au tour de Krismund de rire. Quel drôle d'idée.
- Allons, nous sommes certes civilisés, mais nous sommes des chiens. Se battre avec des épées, quel drôle d'idée. Il haussa les épaules et il parla pour lui-même à voix haute. Bon, bien sûr c'est plus efficace que des crocs. Et mes crocs se portent à merveille, je vous remercie.
Il la regarda s'éloigner encore plus.
- Les rumeurs couraient, autrefois, sur votre nature compétitive et combative. Était-ce seulement des rumeurs ? Ou êtes vous à présent trop vieille pour vouloir vous mesurer à un chien plus vieux que vous ? Allons, un combat, ça vous tente ? Sans arme ni armure pour une totale égalité. Combat amicale.
" HA! "
Elle eut un rire sec.
" HA HA HA! "
Moyennement convaincue, aucunement même. Bellevale ne cacha pas son rire moqueur, méprisant. Certes, elle avait ouïe d'un pseudo passé de guerriers dans l'enceinte des bohémiens et avait cru mal entendre. La vue de tous ces gueux sans foi faire les beaux et agiter les fesses pour gagner quelques pièces avait joué en leur défaveur. Même le grand loup, du nom de Thio-... quelque chose, qui avait pourtant une carrure guerrière préférait s'adonner à "l'art" de secouer ses puces.
" Ha, ha, ha. " Son visage redevint inexpressif alors qu'elle l'observa par dessus son épaule.
" Sans aucunes armures, ni épées ? Vos crocs ont l'air émoussés. "
Elle continua de traverser, l'eau lui arrivant maintenant aux épaules.
" Premièrement, ce n'est pas un glaive, mais un espadon. "
Le patriarche arqua la tête, en signe d'excuse.
La chienne semblait être au bord de la crise d'hystérie. Crocs dévoilés, prête à mordre.
" Un espadon qui vous tranchera la gorge si vous ne gardez pas vos distances, Vermine. "
Krismund ne bougea pas, ne souhaitant pas énerver davantage le molosse. A dire vrai, il n'avait pas pensé une seule seconde que la meneuse de la garde aurait une réaction si vive. Il s'en voulut quelques secondes.
- Pardonnez moi mon ignorance. J'espère ne pas vous avoir offensé, vous et votre espadon.
Bellevale se dirigea vers le petit cours d'eau qui séparait la forêt de la ville de Paris.
Il la regarda s'éloigner.
"Vous n'avez pas mieux à faire que d'emmerder les honnêtes gens ? Je n'ai pas payé pour vous voir remuer le croupion que je sache. "
Son poil se hérissa.
Il gronda et roula les yeux au ciel. D'une voix tranchante il renchérit :
- Excusez moi, Dame Bellevale, je ne pense pas que vous poser des questions sur votre travail fasse de moi un emmerdeur. Il fit une pause. De plus, Dame Bellevale, sachez que je ne "remue en aucun cas mon croupion". Je ne danse pas, moi, je combats.
Il haussa un sourcil.
Bellevale se figea lorsque la nouvelle voix l'a prit en flagrant délit de détente, elle bondit sur ses pieds dans une volte-face, les babines relevées.
" Premièrement, ce n'est pas un glaive, mais un espadon. " Elle commença, les dents sur le manche de son arme. D'un mouvement leste, la Générale l'arracha du sol.
" Un espadon qui vous tranchera la gorge si vous ne gardez pas vos distances, Vermine. "
Là où le patriarche bohémien arborait une expression malicieuse, la vue du Bohémien fut assez pour sortir la chienne de ses gongs. Constatant aucune attitude agressive de sa part, la Deschênes rengaina Avi dans son fourreau et s’apprêta à quitter les lieux, le corps tendu. Ses pattes plongèrent doucement dans l'eau tandis qu'elle traversait à pas feutrés pour rejoindre les portes de la ville.
" Vous n'avez pas mieux à faire que d'emmerder les honnêtes gens ? Je n'ai pas payé pour vous voir remuer le croupion que je sache. " L'eau lui arriva bientôt au poitrail.
Le jeune -ironie- Krismund se promenait dans la forêt. Le patriarche aimait se balader, seul, ces derniers temps. Son fils aîné prenait peu à peu de l'importance dans la population bohémienne, jusqu'à devenir l'un des meneur principal de cette dernière. Peu à peu, Krismund s'effaçait pour laisser la place du patriarche à son fils. Peu à peu, pas maintenant. Krismund était encore dans le jeu.
Alors qu'il se concentrait sur le chant des oiseaux, le vieux chiens entendit des bribes de conversations.
" Tu as peut-être raison. Je me laisse aller. " " ... ! Je ne suis pas vieille ! Retire cela tout de suite ! "
Cependant, il n'entendait qu'une voix. Il connaissait cette voix, mais il n'arrivait pas à mettre un nom sur celle-ci.
C'est en s'approchant qu'il reconnut l'odeur de la garde, et plus particulièrement de la meneuse : Bellevale Deschênes. Elle parlait seul vraisemblablement. Un petit rictus aux lèvres, le gros chien s'approcha doucement et dit d'une voix taquine.
- Et c'est ainsi que Dame Bellevale Deschênes sombra dans la folie, discutaillant avec des objets, tel que sa propre épée.
Il lâcha un rire et contourna un buisson pour se retrouver face à la chienne.
- Votre travail ne doit pas être de tout repos en ce moment, n'est-ce pas ? D'où cette balade en forêt et ce monologue avec votre glaive je suppose ? Dure vie n'est-ce pas ?
Krismund avait cet air moqueur habituel.