Le Prophète n'avait pas fini son petit tour, il avait encore d'autres frères et soeurs à voir et Eusebio Gianotti était le prochain. Il s'était donc rendu dans les faubourgs, esperant y trouver le jeune paysan. Sur le chemin on l'avait aiguillé à plusieurs reprises, les paysans étaient beaucoup plus polis et patients que n'importe lequel des citadins, le Prophète pouvait en témoigner.
- Eusebio Gianotti, puis-je te prendre un peu de ton temps? Avait-il demandé avant de s'asseoir de l'autre coté de la barrière de misère qui servait de séparation entre le chemin et le lopin de terre des Gianotti.
Incapable de répondre aux remerciements du chien gris - c'était trop d'honneur pour lui, il ne méritait pas tant d'éloges, et puis il fallait toujours tout lui expliquer - le jeune paysan hocha une fois de plus la tête. La confiance que le Prophète semblait éprouver à son égard l'impressionnait autant qu'elle lui donnait la force de se surpasser ; la confiance reconquérait rapidement son cœur et il se sentit d'attaque, prêt à tout et n'importe quoi. On comptait sur lui, et il ferait tout pour ne pas décevoir !
Il se sentit un peu désemparé lorsque son interlocuteur fit volte-face, prenant congé. Inspirant de l'air, le jeune paysan aurait voulu le retenir, le questionner, mais il y avait tant d'interrogations dans sa tête qu'il était incapable de savoir par où commencer ; il n'était d'ailleurs pas très sûr de vouloir tout savoir. Il avait un peu peur d'être dépassé dans cette histoire.
- Vous également... Prophète. Il aurait pu commencer par là, tiens, il ne savait même pas son nom ! Mais ne voyant plus que le dos du chien gris qui s'éloignait, il n'avait même pas haussé le ton lorsqu'il avait enfin retrouvé l'usage de la parole, ainsi crier une question aurait été malvenu.
Le retour à la réalité lui prit quelques minutes, où il resta debout et immobile, perdu dans ses pensées ; puis il retourna à ses asperges, le cœur plus léger, prêt à affronter la suite.