Le matin pointait doucement le bout de sa truffe et Blondislav était déjà de retour dans les rues. Lui qui avait autrefois l'habitude de paresser jusqu'à pas d'heure pour récupérer de ses nuits de folie se levait à présent aux aurores pour espérer trouver l'objet de sa quête. Il fallait souligner qu'il n'avait, de toute façon, aucun lit où se languir - il avait su squatter chez Amalthée pour une partie de la nuit, mais la générosité de la noble n'avait pas été jusqu'à le laisser sous son toit plus que nécessaire. Il était même reparti sans butin (Blondie ayant l'habitude de dérober quelque argenterie ou bibelot coûteux dans chaque maison noble qu'il visitait) mais avait au moins un bon repas sur l'estomac. De quoi lui donner des forces pour la suite et lui caler le ventre pour un moment...
Le repaire avait bougé - ça, Blondie en était certain. Les bohémiens avaient-ils eu d'autres problèmes depuis son départ ? En tout cas, ils s'étaient cachés mieux que jamais, et même le marginal ne réussissait pas à les dénicher. Bien que las et presque défaitiste, il ne perdait pourtant pas espoir et comptait bien retrouver son frère le jour même.
Il avait atteint les ruelles moins fréquentées - celles des pauvres et des sans-abris - quand il se décida enfin à demander de l'aide. Ses yeux turquoise scrutant les murs si rapprochés des modestes habitations décrépies, le jeune blond trouva enfin la cible parfaite. Une femelle qu'il jugea, comme à son habitude, d'un seul coup d’œil : mal assurée, pas très confiante et apparemment sans-le-sou. Parfait !
Ravi, l'insolent laissa ses babines dessiner un sourire timide et s'approcha lentement de la demoiselle. La tête basse, le pas prudent et le regard aussi doux qu'un agneau, rien chez lui ne témoignait de dominance ou d'agressivité.
- Excusez-moi... ? Mademoiselle... ?
Du sourit en voyant son impatience. Elle ne pouvait s'imaginer partir comme il l'avait fait, et ne plus pouvoir revoir aucun des êtres qui lui tenaient à cœur... Alors, comment pourrait-elle le blâmer de vouloir revenir le plus vite possible ?
Puis il répondit à sa question, et elle s'assombrit.
- C'est vrai.
Mais il y a le danger de nos croyances, et jouer délibérément avec lui... Je ne veux pas te perdre à nouveau, personne ne le voudra quand ils te reverront, songeait-elle. Mais elle ignorait ce qu'elle voulait vraiment. Parce qu'après tout, ce qui faisait Blondie être lui-même, cela venait d'une grande part de son indépendance. Pouvait-elle vraiment lui demander d'être 'sage' rien que pour leur tranquillité d'esprit ?
Mais elle ignorait comment il réagirait à ces mots, alors, sans les prononcer, elle enchaîna en badinant, ne voulant pas se brouiller avec lui, alors que cela faisait si longtemps.
- Oh, non, je ne suis plus là, tu vois bien que tu ne parle qu'à un fantôme. Elle lui adressa un sourire joyeux. Du sarcasme, encore, parce qu'elle ne pouvait s'en empêcher... Quand elle ne l'utilisait pas pour se décrisper, cela la faisait rire. Puis elle reprit son sérieux, et dit: Non, ne t'en fais pas, je vais bien. Et toi, tu ne m'as pas dit. D'où viens tu ? Tu as réussi à manger à ta faim, toutes ces années ?