Frambault et ses suiveurs étaient rentrés depuis peu, quand Lambert de Montdargue avait appris la nouvelle. Il ignorait ce qui le contrariait le plus : que l'Inquisition ait été dissoute, ou que ses fils n'aient pas eu le courage de venir immédiatement le lui annoncer en personne. Enfin, "ses" fils...Lantelme n'était en rien actif, c'était Frambault le meneur. Il était celui qui avait élevé l'Inquisition, et qui désormais était responsable de sa chute. Et pourquoi ? Par orgueil. Lambert en était certain, il connaissait bien son fils.
Quelle déception.
Quelle indignité.
Assis à son bureau, Lambert joua négligemment avec sa dague, faisant glisser la lame entre ses griffes. C'était un tic qu'il avait souvent, lorsqu'il était contrarié, et qui trahissait au monde ses sentiments là où son expression restait impassible. D'un air ennuyé, il observa le feu qui se consumait dans la cheminée.
-Faites mander Frambault et tous mes neveux qui étaient présents lors de l'exécution des bohémiens, ordonna-t-il d'une voix indolente. Je veux les voir. Sur le champs.
Le serviteur, qui attendait dans un coin de la salle, s'inclina et s'éloigna précipitamment, probablement ravi de quitter l'atmosphère étouffante du grand bureau de Lambert. Ce dernier continua de fixer l'âtre, songeur, se demandant ce qu'il avait manqué dans l'éducation de ses fils. Un couard, et un fou...Si Lambert n'avait pas détesté montrer ses émotions, il aurait éclaté d'un rire amer. Ou peut-être, au fond, avait-il oublié comment rire.
Tout ce qu'il savait, pour le moment, c'était qu'il était en colère.
Frambault et Alexandre semblaient avoir décidé de s'allier contre leur patriarche, tandis que Léonidas faisait preuve d'un irrespect à la hauteur de sa réputation. Lambert ne lui avait accordé qu'un regard glacial, sans daigner répondre à sa question, le jugeant indigne de cela. Il avait souhaité un avis autre sur la question, mais puisque Léonidas faisait preuve de si peu de déférence et que ses cousins se maintenaient en une position fragile hésitant entre dénonciation et courage imbécile, Lambert jugeait qu'il était temps qu'il sévisse, sans chercher à recueillir davantage d'informations. Ses paupières s'étaient plissées et il observait à présent ses interlocuteurs à travers une mince fente d'où son regard doré ressortait comme une lave bouillante.
-Ce n'est pas la bonne réponse, finit-il par répondre.
Il resserra ses griffes sur sa dague et entailla finement son coussinet du même coup. La douleur ne sembla pas l'émouvoir même si un fin filet de sang coula le long de sa patte. Son museau et son expression avaient conservé leur implacabilité tout du long.
-Je te trouve bien sûr de toi, Frambault. Tu choisis donc de blâmer non pas le chef, mais son Seigneur ? Je ne crois pas te l'avoir proposé en choix de réponse pourtant. Mais peut-être as-tu raison : peut-être le seigneur en question a -t-il commis une erreur en tentant de donner une utilité et une place en ce monde à son fils ingrat et arrogant ?
Lambert remarqua le sang qui venait tâcher le bois précieux de son bureau et soupira, reposant la lame avant de se saisir d'un mouchoir de tissu dans un de ses tiroirs et d'éponger négligemment l'hémoglobine.
-Mais quand je vois ceux qui l'accompagnent, continua-t-il en toisant Alexandre et Léonidas, je ne suis guère surpris de ce constat. Quelle déception.
Rangeant mécaniquement son mouchoir, le Fourvoyeur se détourna complètement de ses interlocuteurs et se tourna vers l'âtre. Quand il reprit la parole, sa voix était sans appel.
-J'ai entendu dire que la ville était en piteux état, et les esprits échauffés. Vous allez, tous les trois, régler cela. Je veux que vous deveniez les faire-valoirs de la cité, puisque vous n'êtes apparemment pas dignes d'être des "Soldats du Seigneurs". Si un va-nu-pieds vous demande de l'aide, vous la lui fournirez, sans rechigner. Si un rat vous passe entre les pattes, vous lui demanderez ce qu'il désire et obtempérerez.
Lambert leur accorda un dernier regard, et il était doté d'une impériosité glaciale lourde de menaces non dites. Dans ce genre de regard, si on connaissait vraiment Lambert, on pouvait y retrouver une amertume acidulée, mais malheureusement pour ses pairs, le grand chien savait dissimuler ce genre de pensées.
-Un héritier Montdargue est un bon Soldat du Seigneur. En son absence, vous pouvez considérer la place comme vacante, alors ne lésinez pas. Vous pouvez disposer.
Cette dernière déclaration s'adressait de toute évidence à son fils.
S'il voulait récupérer la bonne grâce de son père, il allait devoir réparer ses erreurs. Pour le moment, il n'avait devant lui que des enfants en sursis.
Alexandre fut tout d'abord choqué par l'attitude de son cousin brun. Etait-il vraiment sérieux ? Même lui, le pestiféré de la famille, le bannit, n'osait pas prendre autant à la légère une convocation par son oncle. Il grimaça. Il espérait intérieurement que Leonidas comprendrait vite qu'il valait mieux faire montre de respect. Bien qu'au fond, Alexandre n'était pas très proche de son jeune cousin. La surprise le fit à nouveau écarquille les yeux lorsque Frambault prit la parole, accusant son père et chef de famille d'avoir mal choisit ses hommes. Il fixa un instant le chasseur, sincèrement impressionner. Il ne s'attendait pas à voir autant de solidarité venant d'un cousin capable de le bannir pour très peu.
Mais cela ne dura guère car aussitôt, le rouquin rejeta la faute sur Léonidas. Alexandre tint ses oreilles en arrière, fronçant le museau. Frambault s'enfonçait. Le grand chasseur décida donc de s'approcher un peu de son cousin tacheté, déglutissant.
'' Si je puis me permettre... Je pense que Frambault n'a pas totalement tort. Il marqua un pause, rassemblant ses mots, ne dit on pas qu'un bon chef peut changer de mauvais soldats en une armée imbattable ?... Et bien, jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas Frambault qui dirige l'Inquisition. ''
Il n'était pas aussi fin que son cousin, mais après tout, il valait mieux le défendre que de le voir se faire punir seul.
'' Sans oublier qu'en vu des membres d'l'Inquisition, c'djà un miracle qu'elle ai tenu si longtemps. ''
Son père venait de lui poser une colle. Qu'allait-il pouvoir répondre à ça? Le Limier ressentait presque les prémisses de remords quant à dénoncer son cousin à sa place. Alexandre l'avait couvert, Frambault ne pouvait donc décemment pas lui faire porter le chapeau, quel genre de cousin serait-il alors? Le même genre qui chasse les siens parce qu'ils ont fait des choix qui ne lui plaisent pas, finalement. Le pauvre rouquin se sentait comme piégé, il ne voulait pas subir la colère de son père et - il fallait le croire - il ne voulait pas qu'Alexandre ne la subisse non plus.
Quand soudain, Leonidas entra dans la salle avec un tel manque de sérieux qui n'avait fait qu'enflammer un semblant de colère à l'intérieur de Frambault. Lui, il pourrait porter toute la responsabilité, mais Lambert se rendrait certainement compte de la supercherie et s'énerverait d'avantage. Mais peut-être que le chef de famille ne cherchait qu'une pauvre âme à malmener et le mouton noir de la famille semblait être le candidat parfait aux yeux de Frambault.
Le Limier avait regardé tour à tour ses deux cousins; Que faire? Lambert était un véritable tortionnaire, il savait user d'outils psychologique pour garder les jeunes de Montdargue sous son joug.
Frambault avait froncé les sourcils et s'était avancé en direction de Lambert les oreilles légèrement orientées à l'arrière de son crâne. À contre-coeur il avait fait son choix;
- J'imagine, une énième fois depuis qu'il était entré dans le bureau de son père il avait ravalé sa salive, j'imagine que s'il faut remonter à la source on devrait punir celui qui à choisis de donner à ces individus une place de choix dans l'Inquisition. Peut-être que le vrai fautif est le Seigneur qui - trop aveuglé par son orgueil - à choisis de faire de ses fils ( ses neveux étaient compris dedans ) inexperimentés des Soldats du Créateur.
Il savait qu'il avait simplement marqué son arrêt de mort. C'était selon lui la façon la plus dissimulée de porter le chapeau. Frambault venait certainement de se mettre à dos son père pour un bon moment et surtout il venait probablement de se rayer lui même de la liste des postes à responsabilité de la famille Montdargue. Il venait de regretter son geste.
- Ou bien peut-être que... Le pauvre essayer de se reprendre. Peut-être que le problème est un certain retardataire qui prend un peu tout trop à la rigolade! C'en était devenu ridicule tant il essayait comme il pouvait de se dépatouiller.
Tu arrivas dans la salle en retard. Ce n'était pas ta faute, le foutu messager venait d'arriver et t'avais prévenu après avoir fait un tas de mots juste pour dire "désoler d'être en retard, je me suis perdu". Tu cognas avant d'entrer dans le bureau de ton oncle. Frambault avait l'air d'avoir été questionné par son paternel. Alexandre était là aussi. Par l'expression sur le visage des chiens présents, cette conversation allait aussi bien que tu l'avais prévu. Une punition était prévue, ça c'était sûr, mais il fallait maintenant savoir si elle serait sévère ou pas. Connaissant Lambert, tu te doutais qu'il n'allait pas être content, et tu voyais qu'il ne l'était pas, loin de là.
- Désolé d'être en retard, mais le foutu messager venait juste d'arriver. Alors, on parle de quoi ici?
Tu étais largement plus détendu que tes cousins. Tu avais exécuté les ordres, tu avais suivis les ordres de Frambault et la sorcière était morte. Tu ne pouvais pas dire que tu avais été très actif, mais tu avais fait ton boulot en laissant le champ libre pour Marie qu'elle puisse éliminer la vermine. Tu ne voyais pas vraiment de chose qui pourrait te mettre en danger, mais tu étais quand-même méfiant et près, si l'idée prenait ton oncle de te punir aussi sévèrement qu'il punira Frambault.
Lambert cilla quand Frambault vint s'interposer entre lui et les mensonges évidents de son cousin pour à son tour défendre son honneur. Le braque se demanda si son fils cherchait à se protéger lui, ou à protéger Alexandre des retombées de ses paroles douteuses. Il ne chercha donc pas à l'interrompre même s'il n'apprécia pas de le voir se mettre entre lui et son interlocuteur. En revanche, lorsqu'il eut terminé, il toisa Frambault qui était à présent juste en face de lui et lui rétorqua sèchement :
-Je ne te parlais pas, Frambault.
Lambert le regarda droit dans les yeux, l'empêchant de détourner à nouveau son regard. Il ne voulait pas d'un fils lâche, il avait déjà Lantelme pour cela. En un sens, il appréciait cette apparente loyauté entre son fils et son neveu, cela lui était agréable de voir le Limier défendre autre chose que son misérable orgueil. En revanche, il détestait qu'on lui mente ou qu'on se cherche des excuses, et cela contribuait à ronger le faible élan de miséricorde qui lui était venu à l'esprit.
-Je vais récapituler, asséna finalement Lambert avec un soupir. Si tu étais trop occupé à te battre, Alexandre, c'est que l'ordre d'attaquer t'avait déjà été donné, et donc que tu avais déjà assisté à la fin des négociations. Cela signifie bien que tu en as vu plus que tu ne l'avoue, et donc que tu me mens.
Il le toisa. C'était un fait et il n'attendait aucune réplique.
-Quant à cette Inquisition que tu critiques, Frambault, mon fils...continua sourdement Lambert en reportant son regard vers le Limier en face de lui. Dois-je te rappeler que j'en suis le fondateur, qu'elle est le fruit de mon travail, et que non content d'être responsable de sa dissolution, tu l'accuses d'avoir été un frein à notre famille ?
Il avait très légèrement haussé le ton en disant cela, ce qui était non seulement rare, mais montrait que s'il restait calme à l'extérieur, il ne l'était très probablement pas à l'intérieur. Le Fourvoyeur se rapprocha de Frambault et se pencha pour planter ses deux yeux dans ceux d'or de son fils, et il le fixa pendant de longues secondes qui semblèrent une éternité dans ce bureau sombre et étouffant. Difficile de dire s'il cherchait à lire dans l'âme de son fils ou s'il cherchait à le décontenancer, ou peut-être les deux.
-...Peut-être as-tu raison, finit par admettre Lambert comme s'il était dupe, tandis que la tension atteignait son paroxysme.
Il finit par se redresser, et retourna indolemment à son bureau où il se rassit, récupérant sa dague au passage. L'absence de Léonidas et de Hermant lui déplaisait fortement. Il aurait aimé voir si cette loyauté, dont témoignait Alexandre, était commune aux autres membres de sa famille, mais il devait se contenter des deux chiens nerveux en face de lui. Lambert était encore indécis sur la punition qu'il leur réservait, mais ce lien qui unissait les deux cousins ajoutés à l'assurance - pour une fois non vaniteuse - de son fils radoucissaient ses plus bas instincts. Il était donc prêt, pour encore quelques instants, à les écouter.
-Dans ce cas je t'écoute, déclara Lambert en observant les éclats des flammes sur sa lame. Si tu es si sûr de toi, Frambault, et t'estime capable de telles décisions, répond donc à cette question : qui penses-tu, entre le soldat menteur et combatif, ou le chef orgueilleux et décadent, mérite le plus d'être puni ?
Il était cette fois évident que le patriarche Montdargue cherchait à repousser ses interlocuteurs jusqu'aux retranchements d'eux mêmes pour voir s'ils conservaient ces attributs qui rendaient Lambert encore patient - pour le moment. Mais toute la subtilité et la cruauté de sa question reposaient sur un pilier : parlait-il d'Alexandre et de Frambault...ou de Théobald et Krismund ?
Quel imbécile! Frambault avait été surpris d'entendre Alexandre tissé tout un mensonge des plus brinquebalant, Lambert n'en croirait pas un mot. Le Limier s'était même mis à craindre pour sa propre couenne, connaissant son père il pouvait très bien le tenir responsable du mensonge de son cousin. Il n'avait pas osé revenir dans la conversation en premier lieu; Le jeune rouquin s'était contenté de rester loin de son père et de son cousin, de peur de subir une quelconque retombée, mais Alexandre s'était mouillé pour lui alors il ne pouvait pas le laisser seul face au dragon.
L'ex-Roy de l'Inquisition était venu s'immiscer entre Alexandre et Lambert pour venir affirmer avec - une presque - certitude:
- Certes, nous n'avons pas réussi à exécuter leur ancien chef, un vestige de leur passé, une simple petite idole. Mais nous avons eu leur sorcière! Elle est comme leur mère à tous, elle les soigne et c'est elle qui fait propagande de leurs croyances démoniaque! Je- Il avait déglutit à nouveau lorsqu'il avait croisé le regard de son père qui l'avait aussitôt déstabilisé. Je pense qu'ils sont beaucoup plus affaiblis par sa mort à elle que par celle d'un vieux fou. Il essayait tant bien que mal de justifier son échec et de le faire passer pour un plan réfléchit et astucieux.
- L'Inquisition n'était qu'une excuse, elle donnait l'impression à l'Église de nous "contrôler" et sa dissolution laisse simplement croire aux impies que nous sommes "battu" et que nous ne pouvons plus agir contre leur sombre dessein. Mais finalement qu'est-ce que cela peut bien changer? Qui nous arrêterait? Qui donc pourrait nous gêner? J'ai parlé à l'Évêque Lalonmarche et j'en suis certain il est capable - et il va - tourner les choses à notre avantage! Il était maintenant sur de lui, mais lors d'une conversation avec le seigneur Lambert de Montdargue on faisant souvent l'ascenseur émotionnel.
" Tu as donc choisi de sacrifier l'Inquisition pour exécuter cette "Mama Ilfada", dont la réputation n'atteint pas le tiers de celle du bohémien Krismund, lequel est encore entre les pattes de la Garde ? A moins que tu ne juges l'archidiacre coupable d'agir en réponse à ton impopularité ? Je vois. "
Alexandre comprit assez rapidement à la discussion et au regard de son cousin que ni le Limier, ni le Balafré allaient passer un bon moment. Il grimaça un peu, mais tenta de garder contenance. Il regarda ses pattes, puis l'imposant chef de famille et enfin de nouveau son cousin.
Son regard ambré se posa sur la dague délicatement posée. Devrait la nommer héritière... L'en est dingue de cette dague. Songea-t-il. Cela le fit sourire un peu plus sincèrement, sourire qui disparu dès que l'imposant chasseur s'approcha de lui.
Le rouquin qui n'était pas bien à son aise se raidit d'avantage, faisant preuve de soumission tout en voulant ne rien en montrer.
" Et toi, Alexandre ? Ses yeux bruns se posèrent sur le neveu craintif, Est-ce ce dont tu as également été témoin ? Et dis-moi. Qu'as-tu pensé du comportement de Frambault ? " Alexandre ouvrit la gueule à vide, n'ayant pour le moment pas assez de courage pour former une phrase. Il glissa un regard rapide vers Frambault avant de chercher un point dans la pièce à regarder.
" M-moi ?... Je- Et bien c'est qu-... Enfin- " Il regarda encore son cousin, droit dans les yeux. Il ne semblait pas à l'aise et presque peiné, même. Il ne savait pas vraiment s'il devait mentir à son oncle ou trahir son cousin. Au fond, Lambert n'était rien pour lui si ce n'est un chef de famille. Il ne lui inspirait que crainte et Alexandre se fichait de faire bonne figure auprès de sa famille, à présent. Mais d'un autre côté, il n'avait pas envie de mentir à un chien si imposant et terrifiant que lui.
Frambault était son cousin, il avait vécu toute son enfance auprès de lui et même si le blond vénitien avait toujours favoriser Hermant, il n'empêche que le rouquin n'avait pas que de mauvais souvenir auprès de lui. Il l'avait aussi ramener dans la famille, lui donnant une deuxième chance. Mais c'était aussi celui qui l'avait bannit. Il l'avait défiguré, humilié et laisser pour mort dans une ruelle, seul. Son alcoolisme, la soif qui lui brûlait actuellement la gorge, il la lui devait.
Il détourna son regard de son cousin, plongea les yeux dans ceux de Lambert. Un sourire tendu déforma ses babines.
" Pour ce qui est de c'qui s'est passé, mon oncle, j'pense pas bien pouvoir vous renseigner. Alors, j'ai bien vu Frambault négocier avec la Garde, ça oui. Mais après... J'étais trop occupé à me battre, voyez ? Il marqua un pause, penchant un peu la tête sur le côté, puis pour ce qui est du comportement de mon cher cousin... Et bien. Il y aurait sûrement beaucoup à dire. Mais comme j'vous l'ai dit, j'étais occupé à me battre, je n'ai rien vu. Et honnêtement, je ne fais plus trop confiance à ma mémoire, vous devriez en faire d'même. " Et c'est par un haussement d'épaule magistral qui clôtura sa phrase. Il avait mentit, mais il espérait l'avoir bien fait.
Quant à son langage... Il préférait parler comme un gueux et avoir l'air confiant plutôt que de balbutier pour sembler hésitant. Il ne détacha pas son regard de Lambert, attendant de voir s'il allait le croire et demander à quelqu'un d'autre.
-Je vois...déclara simplement Lambert.
Il n'avait pas bronché durant les paroles de Frambault, et n'avait pas pris le soin de saluer Alexandre, ne jugeant pas cela suffisamment pertinent. Son regard perçant était fixé sur son fils, comme s'il cherchait à lire à travers ses paroles. Il était conscient du trouble qu'il produisait chez les deux jeunes chiens, mais il trouvait cela normal, voire approprié.
-Tu as donc choisi de sacrifier l'Inquisition pour exécuter cette "Mama Ilfada", dont la réputation n'atteint pas le tiers de celle du bohémien Krismund, lequel est encore entre les pattes de la Garde ? demanda-t-il comme s'il suivait un raisonnement logique initié par son fils. A moins que tu ne juges l'archidiacre coupable d'agir en réponse à ton impopularité ? Je vois.
Sa voix était toujours aussi glaciale, et la précision mathématiques avec laquelle il décrivait les faits ne rendait pas ses paroles plus douces, mais au contraire plus critiques. Le Fourvoyeur ne parlait jamais pour ne rien dire, et s'il choisissait de préciser lui-même les propos de son fils, c'était que ce dernier ne l'avait pas contenté par sa réponse - ce qui ne pouvait pas améliorer son humeur.
Lambert posa délicatement sa dague sur la table, témoignant ainsi de bien plus de douceur qu'il n'en faisait preuve avec sa famille, puis se leva et vint se poser d'un pas calme devant Alexandre, qui se tenait en retrait. Pour se faire, il passa à côté de son fils auquel il n'accorda pas un regard.
-Et toi, Alexandre ? demanda-t-il en dardant ses prunelles marrons sur le Balafré. Est-ce ce dont tu as également été témoin ? Et dis-moi. Qu'as-tu pensé du comportement de Frambault ?
Difficile de dire si Lambert cherchait à mettre Alexandre, Frambault, ou leur relation en défaut, mais une chose était certaine : il attendait une réponse honnête.
Il l'attendait de patte ferme et Frambault ne pouvait plus y échapper. Alexandre était arrivé à son tour et aussitôt le Limier s'était redressé pour ne pas paraître lâche ou faible. Son père, avec une pointe de sadisme si l'on en croyait Frambault, lui avait sournoisement demandé un rapport officiel de la part de son fils.
- Eh bien, Avait-il commencé avant de se racler la gorge pour reprendre de plus belle; Eh bien, l'Inquisition est parvenu à appréhender la sorcière Bohémienne Mama Illfada grâce à la pression exercée sur les Chevaliers de l'Ordre de Bellevale Deschênes. Elle a été exécutée! Avait-il annoncé fièrement avant de serrer les crocs, ces derniers grinçant lentement les uns contre les autres. Il avait eu l'audace de croiser le regard de son père avant de le fuir pour celui de son cousin.
- Et ensuite, Il avait déglutit. Malheureusement, l'Archidiacre Clotaire d'Aspremont a flanché du coté du malin, il s'est laissé tromper par ces démons de Bohème et a choisi de ...-De dissoudre l'Inquisition. Il n'avait même pas laissé à son père la possibilité de s'énerver ou bien de réagir pour reprendre au plus vite:
- Mais Père, ne vous en faites pas! J-J'ai ... Enfin, ça n'affectera en aucun cas la réputation des Montdargue; J'ai plein d'autre corde à mon arc, j'ai des pistes, d'ici peu le tout Paris nous implorera de reprendre l'Inquisition, ce n'est qu'une question de temps. Le Prophète, Milet de Longroy... euh-... Il cherchait ses mots. Les bohémiens! Tous autant qu'ils sont vont très rapidement faire un faux pas! Et je serai là pour les enfoncer comme il se doit au fond des enfers!
Le rouquin avait perdu l'habitude du confort. Le matelas de plume qui se trouvait sous son ventre lui donnait l'impression de s'enfoncer dans une douceur qu'il cru sortit d'un rêve. Cela faisait quelque jours qu'il était revenu dans son ancienne chambre.
Le premier soir, il avait dormit contre le sol tant la différence entre sa paillasse dur et inconfortable et le grand lit en baldaquin était brusque. Mais il avait finit par arriver à s'endormir entre les couvertures douces et chaudes. Cela avait bien prit deux ou trois nuits avant qu'il ne s'en accommode parfaitement.
Mais à présent, il se trouvait allongé nonchalamment, un livre entre les pattes qu'il lisait entre les lignes, absent. Il repensait à Céleste. Peut-être lui écrira-t-il une lettre... Le regard dans le vague, il entendit frapper à sa porte.
Son oncle le mandait. Le grand chasseur se leva un peu brusquement, manqua de heurter son crâne. Lorsqu'il voulu bondir du lit pour en descendre, ses pattes s’emmêlèrent dans la couverture bordeaux et il chuta sur le côté dans un hoquet.
Il gronda et se débattit pour enfin sortir du piège douillet. Il devait faire bonne figure auprès de son tyran d'oncle qu'il n'avait pas vu depuis prêt de deux ans. Il se hâta vers son armorie à glaces – les miroirs lui rappelaient ce luxe qu'il avait oublié. Se perdit dans son reflet défiguré et ne put s'empêcher de grimacer face à cette face à demi brûlée... Qu'allait donc pensé sa mère lorsqu'elle allait le revoir ? Il secoua la tête et ouvrit l'armoire pour en sortir un doublet vert et or qu'il enfila rapidement. Puis, sans plus tardé, il s’élança dans le couloir. Son oncle ne supportait pas les retards.
Son museau poussa la porte dans un grincement beaucoup trop bruyant à son goût. Alors qu'il glissa sa tête à l'intérieur du bureau de Lambert, une grimace déforma son visage défiguré. Il observa son cousin à la coupe au bol déjà présent, puis tourna le museau vers le chef de famille avec un sourire tendu qu'il n'arriva pas à chasser.
'' B-Bonjour mon oncle. Cela fait... Longtemps. '' Il entra, la queue entre les jambes et l’échine basse. Il n'avait pas peur de la mort, mais lui l’effrayait.
'' Je vous demande pardon pour c're-... Il toussota, pour ce retard. '' Le langage des rues étaient assez dur à partir.
Déglutissant, il posa ses yeux doré sur Frambault, il fuyait le contact visuel, espérait un peu de complicité de la part du blond vénitien.
Si Lambert entendit l'arrivée de Frambault, ce n'est qu'en entendant sa voix que ses yeux se tournèrent lentement vers lui. Il le fixa quelques instants, puis regarda derrière lui si ses cousins le suivaient, mais les cossards n'étaient pas encore arrivés. Tant pis. Lambert avait besoin de leur témoignage, mais il avait aussi besoin de parler à son fils.
-Frambault...dit-il finalement après de longues minutes de silence.
Sa voix était froide, monotone. Son regard glissa sur le visage crispé du Limier, et il songea qu'il ressemblait plus à sa mère qu'à lui-même.
-J'attendais de tes nouvelles, déclara-t-il d'un ton indifférent. J'attendais que tu pénètres ce bureau, et que de tes mots, j'entende ton rapport de la situation. Mais tu n'en as rien fait.
Lambert le toisa, ce simple regard révélant sa déception. Ses griffes cliquetaient contre sa lame.
-Qu'attends-tu ? asséna-t-il sèchement. Fais-moi ton rapport.
Lambert connaissait déjà la situation, mais il voulait l'entendre de sa gueule. Cela permettrait, également, de donner un peu de temps à ses fainéants de neveux de se hâter jusqu'à lui.
Le pauvre Limier faisait profil bas depuis le jour de Conscience une fois qu'il était entré dans la demeure des Montdargue. Quelques jours étaient passé mais il n'avait encore pas entendu le retour de son père et son silence commençait à se faire pesant. Mais c'était aujourd'hui que enfin on vint chercher Frambault dans ses appartements pour l'informer que le grand Lambert de Montdargue le demandait, lui mais ses cousins également. Frambault montait lentement chaque marche qui le séparait du bureau de son père, redoutant plus que tout ce qu'il allait devoir encaisser une fois la porte passée.
- Père, vous m'avez fait demander. Avait-il affirmé comme pour annoncer sa présence. Son regard avait furtivement croisé celui de Lambert avant de cherche une échappatoire. Il ne faisait pas le fier, l'échine légèrement courbée vers l'avant et les oreilles rabattues vers l'arrière de son crâne.