Yselde déambulait paisiblement sur les quais, indifférente au fourmillement des marins, vendeurs, capitaines et autres passants dont grouillait le port.
Évitant en souriant deux gamins qui jouaient avec une pomme, elle fit un gracieux bond de côté, et laissa passer les enfants qui les doublèrent comme de minuscules tornades soyeuses et rigolardes. La noble chienne les observa s'éloigner, légèrement nostalgique.
Comme elle était douce, cette jeunesse insouciante, où les petites demoiselle pouvaient s'emparer d'épées en bois sans soulever le moindre murmure d'indignation... "Oh, ça lui passera..." Effectivement, ça passait. De gré, ou de force. Revenant à ses pensées initiales, elle remonta sa lourde cape de toile noire sur ses frêles épaules, réajusta sa besace de cuir, et tourna ses prunelles bleues vers sa soeur.
Mélisandre avait accepté de l'accompagner dans cette escapade matinale, et la jeune damoiselle de Longroy n'en était que plus ravie qu'à l'accoutumée.
- Dis-moi, Mélisandre... elle semblait brusquement préoccupée. Qu'est-ce que tu penses de l'assassin— Elle se reprit; de l'exécution de cette Mama Illfada?
" Je ne sais pas vraiment. En ce moment, il se passe beaucoup de choses, trop, même. Il y a un côté idéologique intéressant et en même temps, un prophète qui débarque de nulle part, habité d'une puissance surnaturelle, prétendant vouloir un monde de paix? C'est trop beau pour être vrai. Je n'y crois pas une seconde. Mais quand bien-même ce serait vrai... Admettons que ce soit vrai. La paix est rétablie. Et ensuite? Est-ce que, par exemple, cela changerait quelque chose pour les chiennes, pour les louves, pour les métissées? Resteraient-elles, resterions nous des esclaves domestiques pour les unes ou de jolis bibelots luxueux pour les autres? " Mélisandre resta gueule close. Elle fut surprise des propos débités par sa sœur, ne compris presque rien. Son petit cerveau tentait de s'agripper aux sens des mots sans pouvoir rien en tirer.
" Si nous étions vraiment de faibles créatures sans cervelle, passe encore. Mais je ne sais pas, ce statut qu'on nous donne dès la naissance à cause d'une paire d'ovaires, je n'en puis plus. " Yselde s'approcha du bord du quai, puis elle s'assit en posant les yeux sur sa petite sœur qui resta fixe.
" Dis-moi, Mélisandre. Te marier, avoir une ribambelle d'enfants bruyants, broder, porter des robes aussi "belles" qu'encombrantes, devoir obéissance à ton époux... et évidemment, être bienséante à chaque seconde de ta vie. Est-ce ce dont tu rêves? "
Mélisandre venait de comprendre grâce à ces dernières paroles. Elle pencha légèrement la tête sur le côté, semblant réfléchir. Elle avait l'habitude d'entendre sa soeur revendiquer des choses, mais étrangement, les droits des chiennes, leurs places dans la société n'avait jamais intéresser plus que cela Mélisandre. Elle était jeune, encore beaucoup trop jeune pour penser au Mariage ou aux enfants. Mais en l'entendant ainsi parler, elle se sentit étrangement heurtée. " C'est une question à laquelle j'ai assez peu réfléchit. " Elle s'approcha, venant s'asseoir à ses côtés. " Je ne rêve certainement pas de ça. Je ne pense pas que quelqu'un rêve réellement de ça... Mais-... Je me demande juste une chose. Tu sais, mère s'est mariée, elle a eut une ribambelle d'enfants. Elle a l'air très heureuse à présent et peu tout de même pratiquer les activités qu'elle aime, non ? " Lui parler de son rêve ? Elle aurait put le faire. Mais cela n'aurait avancer à rien. Mélisandre n'aurait rien apprit et Yselde aurait sûrement changer de sujet. non, la petite rouquine avait besoin de comprendre le fond de la pensée de sa sœur.