La journée était à peine entamée lorsque Rowena ouvrit sa boutique. Elle s’était levée de bon matin, comme à son habitude. Toutefois, ayant passé une nuit peu agréable, il fallait dire qu’elle n’avait pas encore l’esprit bien en place. Maladroite, elle percuta une étagère en franchissant le pas de la porte. Le bruit distinctif d’un objet qui se brise lui fit serrer les dents et elle posa ses yeux effarés sur la jarre qui s’était fracassée au sol, répandant tout le liquide qu’elle contenait sur le plancher. Qu’avait-elle donc fait pour mériter une telle infortune dès l’aube ? Résignée, l’apothicaire dut se rendre à l’évidence. Pendant qu’elle en avait encore le temps, elle ferait bien d’aller en chercher une nouvelle.
Par chance, de nombreux autres commerciaux ouvraient tôt eux aussi et les clients étant encore peu présents, elle n’aurait pas trop de temps à perdre. La jeune chienne soupira de soulagement lorsqu’elle vit la silhouette familière du potier qui entrait dans son enseigne. Elle attendit quelques instants avant d’y entrer à son tour, ne souhaitant pas se montrer impolie. Après lui avoir expliqué rapidement la situation, elle lui acheta une nouvelle jarre qu’elle transporta non sans peine jusqu’à sa boutique.
Satisfaite de sa trouvaille, Rowena n’avait plus qu’à nettoyer les restes de l’ancienne jarre et le parquet. Bien que les dégâts soient situés dans le fond de la boutique, il serait tout de même plus appréciable que tout soit propre avant l’arrivée de potentiels clients. La citadine rassemblait les morceaux pour les jeter lorsqu’elle entendit quelqu’un entrer. Elle leva la tête et abandonna ce qu’elle faisait pour aller à la rencontre de son client. Elle reconnut immédiatement à qui elle avait affaire et inclina la tête avec respect avant de saluer l’arrivant.
- Je vous souhaite la bienvenue en ma modeste échoppe, Votre Excellence. Que puis-je faire pour vous aider ?
Ainsi donc, il parlait de cette rumeur. Allait-elle donc lui coller à la peau jusqu’à sa mort ? Rowena laissa échapper un léger soupir peiné. Elle comprenait la méfiance des parisiens à son égard, certains disaient encore qu’elle perpétuerait l’héritage de sa mère et qu’il fallait s’attendre à ce que ça recommence. Toutefois, elle faisait tout pour montrer sa bonne volonté, faisait son maximum pour soigner ses clients et se montrait toujours agréable malgré les on-dits. Elle attendrait le temps qu’il faudra mais souhaitait un jour être connue pour sa propre réputation et non celle de sa mère.
L’apothicaire eut un léger sourire suite à la plaisanterie de l’évêque. Répliquer que le sommeil éternel et le départ aux côtés du Créateur pouvait être une guérison pour celui qui souffrait trop ne serait certainement pas une bonne idée. Quoi qu’il en soit, Rowena ne comptait pas faire d’écarts. Contrairement à sa mère, elle avait la conviction que le poison n’aura jamais sa place dans sa boutique. Elle ne sombrerait pas dans le péché. Continuant de couper les plants, elle sourit.
- N’ayez crainte, utiliser ma connaissance des plantes pour faire le mal est contraire à mes convictions.