ft. Francesco
Du avait eu besoin de réfléchir, après cette après-midi inhabituellement remplie, alors, elle avait fui la ville pour aller se perdre en forêt.
Elle savait que le temps filait, et le soleil déclinait, mais elle ne craignait rien pour elle-même: elle savait se défendre. Même si elle se doutait que certains ne seraient pas ravis de la savoir seule en pleine forêt loin de la ville.
Enfin, seule... à priori, non.
Une silhouette canine se dessinait plus loin sur le chemin, silhouette haute, large, et immaculée. Francesco Pastore ? Enfin, elle n'était pas sûre du nom, mais elle avait déjà entendu parlé de lui, et l'avait croisé de loin en loin.
Pas certaine de l'attitude qu'il lui fallait adopter, elle attendit calmement d'arriver à sa hauteur.
Du eut un regard presque amusé vers Francesco. Sa distraction ne l’avait pas empêchée de noter le regard curieux qu’il avait tenté de refréner. Il continua néanmoins, répondant à sa question.
Elle acquiesça, réellement d’accord avec le Pastore. Paris… Elle avait beau être sa ville, son foyer, c’était presque comme une relation avec une véritable personne, qui aurait été quelqu’un de sans arrêt hyperactif, sautillant et hurlant partout, quelqu’un qu’elle adorait - bien que connaissant ses coins sombres -, mais avec qui elle avait le besoin vital de s’éloigner de temps en temps, parce que tout ce bruit, toute cette énergie, ça en devenait épuisant.
- La forêt nous donne un peu de répit, il est vrai.
Puis elle reprit, un peu tentant la chance, (et ignorant la crispation d’un léger nœud dans ses entrailles) parce que cela avait attiré l’attention de Francesco, et qu’elle ignorait quoi ajouter de plus sur le sujet de leur environnement.
- J’étais serveuse, voyez vous. Le bruit était omniprésent, alors je connais la valeur de ce calme.
Puis elle se fendit d’un discret sourire, pas assez à l’aise pour tenter de l’élargir. Elle hésita un moment pour se fendre d’une nouvelle question ‘Et qu’en est-il de vous ?’, puis se renferma sur elle-même. Non, ça en devenait ridicule; c’était un véritable boomerang qui lui revenait sans cesse à la figure.
Tiens donc. La bohémienne avait donc perdu un travail? Francesco donna une grande importance au "nouveau", qu'il trouvait très évocateur. Mais peut-être se méprenait-il sur sa signification. Son insatiable curiosité le poussait à demander quelles étaient les causes de cette perte d'emploi, mais il avait maintenant la retenue , obtenue par son éducation, qui lui permettait de maîtriser sa langue.
"Je voulais du calme, tout simplement."
Pour certains-sans doute la majorité des nobliaux de Paris, pensa t-il, moqueur- la forêt était un lieu inquiétant. Pour lui, il s'agissait de l'inverse, il se sentait à l'aise, ici, loin de la ville et de ses problèmes.
"Je trouve cet endroit propice à la détente, loin des foules et du bruit. Pas vous?"
Bien sûr. Il y avait l'histoire du mariage, et l'étrange et sombre rumeur qui courait sur Beata.
Elle répondit distraitement à Francesco, se mettant en marche en même temps:
"Oh, pas vraiment. J'ai perdu un nouveau travail aujourd'hui, alors je cherchais un coin tranquille pour réfléchir."
Son museau se leva, et elle inspira l'odeur boisé de la forêt. Peu à peu, celle-ci souhaitait la bienvenue à la nuit, et ses bruits diurnes se taisait. Elle retourna une nouvelle fois la question au Pastore:
"Qu'en est-il de vous ?"
Francesco eut un sourire en entendant les nouvelles positives que lui donnait Dumyr. Celles-ci s’enquit à son tour de connaitre celles des Pastore. Retour de politesse ou curiosité ? Il n’était pas vraiment possible de savoir puisque la bohémienne semblait du genre impassible. Dire que tout allait bien serait un mensonge, mais révéler la vérité serait une mauvaise chose. Le grand chien opta donc pour la réponse évasive.
« Cela pourrait aller mieux mais on fait face. »
La Mavlaka lui offrit un magnifique changement de sujet, en lui proposant de continuer cette conversation en marchant. Il hocha de la tête et prit la direction que montrer la patte de la chienne.
« Vous rendiez vous quelque part ? Je vous ai peut-être dérangé en vous questionnant. »
Allaient-ils vraiment converser ?
Du sentit distraitement son malaise former une espèce de boule dans son ventre, tandis qu'elle passait en revue les différentes options qui se présentait à elle.
Elle soupira intérieurement, espérant en elle-même qu'au moins son interlocuteur était bavard, parce que, par les flammes et par les torrents, encore une fois dans la journée, elle se retrouvait à se demander de quoi la conversation pourrait bien se composer.
Certes, précédemment, elle n'avait pas eu vraiment de problème, mais Gino semblait sociable, à sa différence, maîtrisant l'art de la discussion.
- Ils se portent bien, merci. Elle répondit finalement, avant d'ajouter, parce que ça lui semblait le plus logique, et avant qu'elle ne puisse constater la morsure de la gêne: Qu'en est-il de la vôtre?
Puis elle leva une patte dans la direction vers laquelle il se dirigeait:
- Peut-être pourrions-nous poursuivre cette (charmante, si plaisante, pensa t-elle avec ironie) discussion dans le même temps que notre marche ?
"De même."
Alom'Mavlaka. Il s'agissait donc d'une bohémienne. Les Pastore entretenaient de bonnes relations avec eux, relations qu'ils s'efforçaient de cacher aux restes de Paris. Francesco en connaissait certains pas celle qui se trouvait en face de lui, qui le fixait de ses yeux étranges. Il y avait deux couleurs dans un même iris, phénomène qu'il n'avait encore jamais observé.
"Comment se porte votre famille ces temps-ci? "
Sa dernière rencontre avait un bohémien commençait à dater, il était donc curieux de connaitre les dernières nouvelles.
- Enchantée. Dumyr Alom'Mavlaka.
Elle garda ses yeux dépareillés sur le Pastore (finalement, elle avait eu bon sur le nom), observant sa réaction. Il lui semblait que les Pastore étaient en bon terme avec sa famille - mais sait-on jamais.
Elle ignorait trop quoi ajouter, alors elle garda le silence. Le silence ne la gênait pas.
Francesco avait besoin de calme, de se vider l'esprit. Son lieu de vie, ces temps -ci, entre le futur mariage de Nito et Beata, et les sombres événements qui s'y étaient déroulés, ne permettait guère cela. La visite de Frambault et ses deux apprentis qui avait eu lieu quelques jours plus tard prouvait cela.
Il quitta donc le fort, ses cartes et ses instruments pour partir en balade, seul avec ses pensées. La forêt semblait pour cela l'endroit idéal, avec ses grands arbres pour lui tenir compagnie.
Il marchait à présent sur le chemin, le vent soufflant dans sa fourrure et les feuilles des végétaux. Il se rendit cependant bien vite compte que contrairement à ce qu'il pensait, il n'était pas le seul à côtoyer l'endroit. Au loin, il apercevait une fine silhouette crème. Celle-ci lui était inconnue, il fallait dire qu'à Paris, les personnalités qui ne servaient que de décor dans sa existence étaient nombreuses. Peut -être l'avait-il déjà croisé, peut-être pas. En tout cas, il ne pensait qu'elle soit paysanne, il connaissait la grande majorité des Serfs de sa famille, au moins de visage. Quoiqu'il en soit, il n'était pas contre une petite discussion. Qui sait? Il était tout à fait possible que cette jeune femme possède des savoirs intéressants qu'en bon curieux qu'il était, il s'efforcerait de connaitre.
Arrivé à hauteur de l'inconnue, il effectua un salut de la tête et se présenta:
"Bien le bonjour. Francesco Pastore. A qui ai-je l'honneur?"