Lambert huma l'air de la forêt avec une certaine délectation. Il piétina la terre sous ses pattes, dressant la tête pour apercevoir la moindre silhouette de proie fuir son regard prédateur. Mais la forêt était tranquille, paisible même. Le soleil perçait à travers l'épais feuillage des chênes environnants, et un fin fumet de gibier assez ancien parvenait aux naseaux du Fourvoyeur.
Une belle journée de chasse en perspective.
Un bruit derrière lui fit se retourner le grand mâle, et il reconnut alors la silhouette fine d'Alexandre, son neveu défiguré. Lambert le jaugea du regard.
-Tu es en retard, déclara-t-il.
Sa voix sonna comme un glas accusateur. Lambert se détourna et vérifia rapidement que son manteau était bien accroché, et que sa dague était bien dans son fourreau. Tout en pratiquant d'un air las cet examen, il reprit avec indifférence :
-Le sanglier que nous chassons est un matinal. Mes hommes sont sur sa traces depuis plusieurs jours. J'espère que ton retard ne va pas gâcher ma traque.
Ses phrases, courtes et incisives, révélaient un léger agacement, mais le simple fait qu'il lui adresse la parole montrait bien que Lambert n'avait pas de grief contre l'ancien banni. Ce genre de querelles puériles entre ses neveux et fils ne le regardaient pas. Lui, il voulait simplement savoir ce que le fameux "Balafré" avait dans le ventre.
" A toi de me le dire, Alexandre. Tu es ici pour traquer. Alors traque. " Alexandre leva les yeux sur le chef de famille, incrédule pendant quelques secondes. Et puis, un large sourire lui vint, il le prit comme un défi. Et les De Montdargue adorent les défis.
Il s'avança alors, la truffe en l'air, les yeux à demi clos. Il sentait la présence du sanglier, mais c'était une présence qui datait, c'était certain. Cette piste n'était pas fraîche, mais au moins, elle signalait qu'ils étaient effectivement sur le territoire de la bête noire.
Le rouquin baissa alors la nuque, les yeux grands ouverts sur le moindre détail pouvant trahir la présence de l'animal. Aux abois, il semblait tellement concentrer qu'il n'entendait plus les bruits de pas de ses camarades. C'est là qu'elle lui vînt, l'odeur fraîche de sa proie. Alexandre se stoppa net, retenant soudain son souffle, le dos droit et une patte en l'air. Il fixait l'endroit d'où venait l'odeur, il fallait qu'il s'approche un peu, mais il devait être discret. Il glissa un léger regard à son oncle, murmurant un " Ici. " Discret. Et puis, il s'avança, ventre à terre. Pour que la chasse se déroule au mieux, les chasseurs devraient localiser correctement l'animal. La piste était trop vague pour en tirer des conclusions. Mais le nez du rouquin ne le trahit pas puisqu'en progressant à travers le feuillage de la forêt, il finit par entrapercevoir un dos rond et hirsute. Il le fixa, cessant encore une fois de respirer pour ne dégager aucun odeur, concentré. Les oreilles dressées, il attendait que les chasseurs le rejoignent.