La Douce avait devant elle son ouvrage: des beaux mouchoirs en tissu sur lesquels elle était en train de broder les initiales d'Odette. Elle comptait pourvoir sa suiveuse de tout le nécessaire dont elle avait besoin, vêtements, outils, paniers, fil, absolument tout ce qu'il lui faudrait et même plus. En acceptant de travailler pour elle, Odette bénéficiait également du même confort que les domestiques des Di Cavallieri et serait toujours traitée de la sorte.
Mais pour le moment, Beata n'avait rien dit des mouchoirs à la jeune Collie car elle comptait les lui offrir. Une telle amitié avec le personnel n'était pas coutumier mais la Douce s'en remettait totalement à elle. Distraite, elle s'était piqué avec l'aiguille et avait sursauté.
Posant le tissu et le fil à broder, elle avait observé sa jeune servante.
"Odette, saurais-tu garder pour toi ce que j'ai à coeur de te confier ?"
Odette s'était jetée à son cou, la serrant tout contre elle:
"Ne dite plus jamais cela ma Dame. Ne parler plus jamais de Saint à personne. Je vous avoue que je n'ai jamais très bien saisit ce chapitre de notre église. Que la seule chose que je comprend c'est qu'un don puissant habite les Saints, mais les campagnes où j'ai grandit j'ai vu des amis partir pour rejoindre l'Eglise. Il m'est arrivé de les revoirs rescement, en temps que membre de l'Elite Sainte, mais ... "
Pas la peine de terminer cette phrase. Beata comprenait très bien et un frisson terrible lui avait léché la colonne vertébrale.
"Ma dame, dite-moi que vous n'avez parler à personne d'autre de vos visions."
La Douce avait marqué une pause, légère, soucieuse. Odette semblait sincèrement alarmée et elle en savait beaucoup plus qu'elle. Par le Créateur et sa Lumière, pourquoi s'était-elle rendue à Paris ? Pourquoi avoir quitté l'Italie et sa belle Venise ?
"Et bien... j'en ai parlé avec sa Grâce l'Archidiacre. Mais il est le seul, dans cette paroisse vulgaire et négligente, à qui j'ai accepté de confier ce secret."
Elle ne faisait confiance à aucun membre du clergé. Elle n'accordait sa confiance qu'à bien peu de personnes finalement: Dame Yolande, sa Grâce Clotaire, Eusebio et bien évidemment, sa chère et dévouée Odette.
"Mais il y a eu autre chose. Le Prophète est venu me trouver. Il savait déjà ce que j'étais Odette ! Il savait déjà tout ! Mais quelque chose chez lui m'a perturbée, je ne saurais te dire de quoi il s'agit mais... c'était étrange."
Elle avait dégluti difficilement, un nœud terrible dans la gorge.
"Venise me manque Odette. Sans mes frères je me sens terriblement impuissante. Ils sauraient quoi faire, eux !"
Non pas que la Douce était sotte, loin de là: simplement, la fratrie était si proche qu'ensemble, rien ne leur était impossible. Si Ignazio était là, il aurait déjà trouvé un stratagème pour comprendre de quoi il relevait.
Soudainement, la solitude et le mal du pays s'étaient abattus comme une chape de plomb sur la noble Dame. Elle était perdue.