Le cliquetis des coupe-griffes maniés avec expertise. Le doux murmure de l'eau transposé d'un broc en métal à une grande baignoire déjà à moitié remplie. Les effluves, tantôt fruités tantôt fleuris, des produits de toilette versés sur des pelages plus soyeux les uns que les autres. Au milieu de tout cela, les paroles légères des clients qui conversent entre eux ou avec les employés. Et puis, le tintement du carillon poussé par la porte d'entrée.
- Bienvenue ! fait la maîtresse des lieux en se tournant vers le nouvel arrivant, un sourire calme aux babines.
Hermant ne tarda pas à se faire remarquer, encore. Décidément, les fils de Montdargue semblaient être perpétuellement à la recherche d'attention... La discrétion semblait être leur pire ennemie. Il bâilla, apparemment en proie à l'ennui, avant de dire tout haut ce qui le tracassait tant. Yolande se leva alors, moins pour Hermant que pour la pauvre Perrine, qui semblait l'appeler à l'aide de ses pupilles dilatées - d'un geste de la tête, Yolande l'orienta vers un autre client beaucoup moins difficile.
- Toute fourrure mérite les meilleurs soins ! Vous savez que tous mes clients sont égaux. Mais tous ne pouvaient pas se permettre lesdits meilleurs soins. Par chance, Hermant faisait partie des fortunés qui avaient de quoi s'offrir ces caprices, ce qui poussa Yolande à s'y soumettre. Mais elle allait faire gonfler la facture; ça, c'était certain.
Elle alla donc prendre la place de Perrine après s'être dûment lavé les coussinets dans une petite bassine prévue à cet effet - et, enfin, elle s'attela à la tâche dans la fourrure du rouquin. Elle termina très vite le travail déjà bien entamé, et commença à rincer les boucles de son client (qu'elle trouva par ailleurs étonnamment soyeuses).
Par professionnalisme, elle saisit un flacon qu'elle présenta à Hermant. Yolande tenait à ce que ses clients soient au courant de ce qui allait dans leurs cheveux, et qu'ils l'approuvent - sans oublier qu'elle facturait chaque soin séparément. Le flacon en verre contenait un liquide épais et rougeâtre, et son étiquette témoignait d'un Flamboiement d'Automne - spécial poils roux. Orange, orange sanguine, curcuma, paprika, piment rouge et poivre rose. Des fruits exotiques et des épices qui l'étaient encore plus - la route des épices était ouverte depuis longtemps, mais restait très onéreuse. Un soin réservé aux meilleurs, donc.