ft. Hermant
La journée s’annonçait bien belle, aujourd’hui. Premièrement, le temps était au rendez-vous, le soleil réchauffait son poil et faisait luire ses bijoux qui renvoyaient ses rayons au rythme de ses danse. Quoi de mieux, en ce magnifique jour, que de danser sur la grande place, plutôt que de s’enfermer dans les rues sombres de Paris ?
C’est donc tout naturellement que Blanche commença ses activités dans un coin du cœur de Paris, où déjà, foule faisait masse.
Elle ondoya, faisant bouger ses formes dans une danse rythmée, qui collait parfaitement au temps ensoleillé et à l’humeur qui saisissait ses clients. Et Blanche, dans ses mouvements effrénés, entendait déjà le cliquètement des pièces d’or qui s’entassaient dans le morceau de tissu mis à disposition, devant sa scène improvisée. C’était décidément une parfaite journée.
… mais elle n’était visiblement pas faite pour durer. À peine sa danse terminée, sur les alentours de midi, et tandis qu’elle s’apprêtait à plier bagage pour aller grignoter un morceau, l’Inquisition venait déjà lui chercher des noises : deux gros mastocs s’avancèrent vers elle et se saisirent de sa bourse avec si peu de délicatesse qu’ils envoyèrent rouler quelques pièces aux alentours. Blanche fit ronfler ses narines, peu encline à discutailler.
« Ma damoisel- euh, donzelle ? Fame ? Ribaude ? » La héla le premier, bégayant sans savoir par quelle dénomination il devait l’appeler. « Aherm. Vous allez devoir nous suivre. »
Et l’autre, visiblement pas plus futé que le premier, hocha la tête si vigoureusement que la salive qui pendait de ses babines s’envolèrent un peu partout, jusque sur la joue de la belle danseuse, qu’elle essuya d’un revers de la patte, une moue dégoûtée sur le visage.
« Ah ! » S’exclama-t-elle, outrée qu’on lui réserve un tel traitement. « Et puis-je savoir de quoi l’on m’accuse ? »
« V-Vol ? Nous vous avons vu rapiner ces quelques pièces. » Répondirent en cœur les deux autres, penauds et déroutés par la hardiesse de leur prisonnière. Sans compter qu’ils n’étaient pas vraiment sûrs de leur allégations. N’était-ce pas l’ordre de l’Inquisition, d’arrêter tous les Bohémiens, quand bien même les accusations étaient fausses et insensées ?
« Sottises ! » Répliqua l’accusée. « Vous étiez là tout du long et je ne pense pas faire fausse route en affirmant même que l’un de vous m’a lancé quelques pièces, tout droit sorti de sa bourse. » Le fautif glissa son regard aux alentours, gêné d’avoir été pris sur le fait, alors que Blanche poursuivait : « À présent, vous seriez forts aimables de me restituer mon bien, honnêtement gagné à la sueur de mon front. »
Mais au lieu de capituler, les deux mastodontes ne firent que resserrer l’étau. Sans plus d’arguments et toujours si peu sûrs d’eux, ils vinrent se placer chacun d’un côté de son flanc, encadrant sa fine silhouette et l’étouffant entre leur deux fortes carrures. Et ils pressaient leur poids contre ses côtés pour réduire à néant ses chances de fuir, tandis que le salaire de la belle gisait un peu plus loin, sur le pavé.
« C’est donc comme cela que l’on vous a appris à traiter les jouvencelles, Messieurs ? » Hurla la bohémienne de plus belle, piquée au vif par tant d’injustice. « Ah, comme je plains les Dames qui partagent votre couche ! »
Elle tenta de jouer des épaules pour se dégager, en vain. Mais voilà qu’elle vit un nouvel espoir – ou son pire cauchemar – entrer en scène. Là, avec son port altier et son brushing parfait, Hermant de Montdargue, en personne, se donnait la peine de bouger son noble derrière pour les rejoindre.
« Monseigneur, quelle heureuse surprise. » Le salua la Bohémienne d’une voix mielleuse, avant d’adopter de nouveau un ton plus sec : « J’ose espérer que vous saurez faire retrouver la raison à ces deux maroufles ! »
L'esprit concentré sur sa patrouille quotidienne, l'élégant de Montdargue faillit bien ne même pas entendre les cris de détresse qui parvinrent à ses délicates oreilles. Une voix féminine et apeuré perça l'air, et, désormais alerte, le rouquin s'élança vers la source de ces appels à l'aide. Accourant sur les lieux, quelle ne fut pas la surprise du Précieux lorsqu'il aperçut la belle Blanche prise entre deux de ses rustres compères. Elle le salua, implorant son aide, aide que le héros du jour ne se fit pas prier d'apporter. Se frayant un passage entre les soldats, il alla se placer entre eux et la bohémienne, le ton calme.
« Messieurs, un peu de tenue. Est-ce ainsi que vous traitez une aussi jolie damoiselle ? » Son regard hautain se posa sur la gitane. Il se souvenait, comme tout les mâles, de ses danses brûlantes et de son insolent corps qui ondulait sur la Place chaque jour, pour le plaisir des passants. Qui ne la connaissait pas ? Même les femelles la regardait avec discrétion, détestant avec envie ce délicieux corps. Sa voix mielleuse lui fit l'effet d'une caresse qu'il refoula rapidement. Hermant n'avait jamais réellement eu affaire à elle, mais il la haïssait déjà pour l'attrait et les vices que son exotisme ardent lui inspiraient.