Lorenzaccio était partie se dégourdir les pattes en cette fin d'après-midi. Les journées de travail à la ferme avait beau l'épuise physiquement, il tenait réellement à s'éclipser par la suite pour essayer de se vider la tête. C'était important pour lui, sinon il deviendrait fou. Tout allait mal dans sa vie. Il ne savait même plus combien de temps il lui restait à vivre... La teinture de Dame Yolande commençait déjà à s'estomper et on pouvait deviner les poils roux sous la peinture noire. Bientôt il serait à nouveau à découvert et il ne pourrait plus quitter la ferme... Sauf qu'il mettrait ainsi en danger les Gianotti, cette famille qui l'avait accueilli à bras ouvert contre son travail à la ferme. Et tout ça grâce à Eusebio... Il ne se le pardonnerait jamais s'il leur arrivait quelque chose par sa faute.
Alors qu'il marchait tranquillement, le Renard sentit qu'il n'était plus seul. Intrigué, il s'arrêta et la présence en fit de même. Qui pouvait bien le suivre en ces lieux si reculés ? Tous ses sens étaient en alerte, ses muscles bandés et ses crocs à découvert, prêt à bondir pour fuir ou attaquer.
Outch - décidément, ce modèle-là était effectivement mieux bâti que le premier ; le cousin de Frambault fut éjecté par l'irruption d'Eusebio, mais celui-ci encaissait un peu plus difficilement les conséquences de l'attaque bélier, la tête un instant sonnée et la nuque douloureuse. Secouant le chef pour remettre ses idées en place, le paysan cligna des yeux plusieurs fois avant de distinguer correctement la massive silhouette rousse qui se relevait. A ses côtés, Loren était de nouveau sur pattes, mais le jeune loup se plaça volontairement devant lui, coupant toute possibilité d'attaque au Montdargue. Il accueillit les sarcasmes du chien avec une grimace, dénudant ses crocs.
- Si tu veux une bagarre, tu vas être servi.
Il ne voulait pas quitter des yeux son adversaire, mais savait que le renard devait mettre les voiles rapidement. A voix basse et grondante de colère, il lui glissa "Pars, maintenant !", en espérant que son ami ne se froisse pas de son ton impérieux. Toute sa concentration allait vers le Montdargue, et il voulait savoir Loren en sécurité loin d'ici. Ils étaient heureusement assez loin de la ferme pour que les enfants curieux ne tombent pas sur eux au mauvais moment...
Se redressant, Eusebio darda ses yeux vers Alexandre, la colère faisant battre une veine de son cou ; il avait certainement moins d'expérience au combat que lui, mais pouvait compter sur sa force. Revoir ce chien de malheur lui mettait les nerfs en ébullition, ramenant dans ses souvenirs son premier combat contre Fambault et leur récente altercation sur la Grand'Place. Il n'en fallait pas plus pour motiver le paysan à coller quelques marrons à cet arrogant de noble raté.
- Alors comme ça, t'es passé d'ivrogne notoire à toutou servile des Montdargue ? Belle évolution, je suis admiratif. C'est quoi la prochaine étape, carpette pour les pattes sales de ton cousin ?