Quel plaisir c'était, pour notre jeune sportive, d'enfin pouvoir sortir ! Dire qu'elle passait son temps enfermée à nettoyer alors qu'elle exécrait ces deux choses. Non, Marie avait besoin d'espaces, d'exercices ! Pas de rester toute la journée le museau dans la crasse et les poils.
Un des gardes avec qui elle s'entendait tout particulièrement lui avait proposé de l'accompagner pour sa tournée. Elle avait accepté sans hésiter et cachait avec mal son excitation.
Aux côtés de deux soldats, elle regardait les rues de Paris comme si elle les découvrait. Elle tournait sans cesse la tête et se forçait à avoir l'air impassible, mais elle était si heureuse ! Ses yeux pétillaient et, intérieurement, Marie priait pour qu'il y ait du grabuge. Quoi de mieux pour faire ses preuves ? Elle serait promue Garde, directement et pourrait enfin honoré son nom d'adoption. C'est ainsi perdue dans ses pensées qu'elle marchait, le regard dans le vague.
Face à la mine désolée de la blanche, Theobald avait eu un sourire réconfortant. Il ne lui en voulait pas, ce n'était pas de sa faute si le reste de sa famille n'avait pas l'intelligence nécessaire pour se rendre compte que chaque caste avait toutes ses bons et ses cons.
❝ C'est parfait. ❞ lui avait-il répondu, glissant un rapide regard vers ses camarades d'arme qui commençaient à se fondre dans la foule. Quelle inattention tout de même... ❝ Je vous dis donc à la prochaine fois, Mademoiselle Marie. ❞
La laissant librement retourner auprès de sa troupe, il la suivait du regard, lui adressant une dernière salutation amicale de la patte. ❝ Et prenez soin de vous ! ❞
" Non, non ! Je ne voulais pas- " Et la voilà qui rougissait, gênée par sa propre réaction, alors que le bohémien sembla vouloir la calmer.
" Excusez-moi mademoiselle Marie. Il lui offrit un léger sourire, Loin de moi de vouloir vous donner l'impression d'avoir l'intention de vous quitter aussi abruptement, ou que vous ayez l'air ennuyeuse. Vous êtes loin de l'être, et je serais plus que ravi de vous revoir. Pensez-vous que nous pourrions nous revoir à la propriété des Deschênes ? Je connais le chemin, mais je crains que même en demandant votre nom, on ne me laisse pas rester... Si ce n'est guère possible, alors nous pourrions nous retrouver ici si vous le souhaitez. "
Elle même sembla réfléchir un instant. Il était certain que dame Bellevale ne la laisserait jamais faire venir à bohémien et elle n'avait pas envie de descendre dans l'estime de sa mère.
Alors, après une mine désolée, elle se mit à sourire et acquiesça.
" Bien. Nous retrouver ici me va. " Elle coula un regard distrait sur les gardes qui disparaissaient au loin et ajouta un peu précipitamment :
" Hm... Dans une semaine, cela vous va-t-il ? "
Les yeux de Theobald s'étaient écarquillés au fur et à mesure que l'affolement de la blanche le gagna. Tout d'abord, cette petite était adorable ; mais par ses aïeux, il n'avait absolument pas prévu qu'elle veuille le revoir.
❝ Non, non ! ❞ s'exclama-t-il, agitant ses larges pattes en signe de paix lorsqu'elle lui lança un regard fâché. ❝ Je ne voulais pas- ❞
Agréablement surpris, le bohémien tentait tant bien que mal de calmer les craintes de son interlocutrice mais au final, celle-ci sembla s'apaiser toute seule. Plus ou moins, tout du moins.
❝ Excusez-moi mademoiselle Marie. ❞ Reposant ses pattes au sol, il eut un sourire amical, quoique désolé. ❝ Loin de moi de vouloir vous donner l'impression d'avoir l'intention de vous quitter aussi abruptement, ou que vous ayez l'air ennuyeuse. Vous êtes loin de l'être, et je serais plus que ravi de vous revoir. ❞
Cette fois-ci, un large sourire illuminait son visage, tandis qu'il prenait une seconde ou deux pour réfléchir à sa proposition.
❝ Pensez-vous que nous pourrions nous revoir à la propriété des Deschênes ? Je connais le chemin, mais je crains que même en demandant votre nom, on ne me laisse pas rester... ❞ C'était même certain. De plus, il ne savait guère si une amitié entre une garde et un bohémien serait bien vu... Et Theo ne voudrait pas causer de soucis à Marie. ❝ Si ce n'est guère possible, alors nous pourrions nous retrouver ici si vous le souhaitez. ❞
" Ne vous en faites pas mademoiselle Marie. Je suis sûr que vous progresserez vite. " Son regard était sincère et c'est ce qui troubla le plus la jeune chienne. Elle a qui on avait toujours dit que les bohémiens ne voulaient pas s'adapter, qu'ils n'étaient en somme que des sauvages et des pillards.
" Je suis né ici, à vrai dire. Le bohémien avait enchaîner, permettant à Marie d'oublier quelques secondes son trouble, Il y a 20 ans de cela... "
En remarquant la mélancolie sur le visage du brun, la blanche se demanda un instant si elle ne devrait pas lui demander s'il allait bien.
Marie était assez jeune, elle, pour ne pas regretter le passé. Ou peut-être cette insouciante et cette allégresse venait simplement de son tempérament, elle n'était tout simplement pas le genre à regarder trop en arrière.
" Mais- J'espère ne pas vous incommoder dans votre ronde mademoiselle. Souhaiterais-vous que je vous laisse rejoindre vos collègues, ou avez-vous d'autres questions ? " C'était à son tour d'être gêné.
La jeune chienne secoua la tête, dans un premier temps. Elle était curieuse, mais sa timidité l'empêchait de laisser libre court à ses interrogations. Cela dit, quelque chose vint subitement la troublée de nouveau. Son visage se déforma dans une mine affolée alors qu'elle abaissa son encolure en avant.
" Attendez- ça veut dire que vous allez partir ? Je veux dire- vous allez partir et nous n'aurons plus l’occasion de parler dans d'autres conditions ? C-c'est bien cruel de votre part ! " Elle redressa la tête, les joues rouges, courroucée.
" A-à moins que... Que vous ne me trouviez ennuyeuse. Remarquez, je ne vous en voudrais pas m-mais... Si ce n'est pas le cas, nous pourrions nous revoir ? Vous auriez dut le proposer, mais ce n'est pas grave. "
Face aux révélations de la blanche, Theobald avait eu un air attendri, souriant. Qu'elle ne soit dans la garde que depuis quelques mois ne l'étonnait guère, après tout, elle était si jeune, mais cela ne voulait pas dire qu'il en pensait moins d'elle.
❝ Ne vous en faites pas mademoiselle Marie. Je suis sûr que vous progresserez vite. ❞ l'avait-il encouragé avec un regard sincère, après avoir remarqué son bref trouble.
❝ Je suis né ici, à vrai dire. ❞ Pour ne pas la gêner plus, le bohémien avait rapidement enchaîné sur les réponses à sa question, prenant alors un air nostalgique. ❝ Il y a 20 ans de cela... ❞
Comme le temps passait vite. Il se rappelait de tout. De sa naissance jusqu'à cette seconde même, de sa vie comme celles des autres bohémiens et bohémiennes. La naissance de Blanche, l'arrivée de Du... Des souvenirs qu'il chérissait, sans toutefois oublier le reste.
❝ Mais- ❞ se reprit-il finalement, baissant les yeux vers son interlocutrice avec un air vaguement gêné. ❝ J'espère ne pas vous incommoder dans votre ronde mademoiselle. Souhaiterais-vous que je vous laisse rejoindre vos collègues, ou avez-vous d'autres questions ? ❞
" J'en déduis que vous suivez la voie de votre mère. Si jeune et déjà dans la garde, c'est impressionnant ! Ma foi, elle doit être fière de vous. Depuis combien de temps êtes-vous dans la garde ? "
Étrangement, le sourire du canidé en face d'elle ne la rassura point. Elle grimaça même un peu, sans trop savoir comment il aurait été juste de réagir. Elle se demanda même, l'espace d'une seconde, si le bohémien ne voulait pas simplement lui voler ses objets de valeurs.
Mais elle chassa vite ses pensées, secoua un peu la tête.
" Et bien... J'y suis rentré il y a quelque mois à peine. Je... Hm... Je ne suis pour le moment que tout en bas de l'échelle. Je commence comme tout le monde... " Elle se mord la lèvre en repensant à son manque de compétence et, pour ne pas laisser trop voir son trouble, enchaîne.
" Et vous, cela fait longtemps que vous êtes à Paris ? "
Pauvre petite. Elle semblait complètement déstabilisée par sa courtoisie, mais au fond ce n’était pas pour déplaire à Theobald qui lui, adorait remettre les préjugés à leur place.
Il n’était pas dupe, il savait ce qu’on disait de son peuple ; les bohémiens ne voulaient pas s’intégrer à la société, les bohémiens étaient des êtres méprisables, grossiers et turbulents. Des adorateurs d’idoles du diable en plus ! Toutes ses calomnies qu’il imaginait dites d’une voix tout bonnement ridicule, le faisaient doucement rire.
Secrètement, du moins. Car voilà que la blanche se présentait sous le nom de Marie. Marie Deschênes. Son père allait faire un bond quand il allait apprendre qu'il avait abordé la fille de la commandante de la garde officielle.
❝ Bien, mademoiselle Marie. ❞ répondit-il sur un ton chaleureux, un sourire de circonstance aux babines, avant de demander. ❝ Je vous en prie, tutoyez-moi. ❞
Il n’était qu’un humble bohémien après tout. Désormais curieux d’en savoir plus, Theobald s’était permis de lorgner quelques instants sur cette épée qu’elle arborait fièrement à son flanc, avant de revenir sur elle, le regard pétillant.
❝ J'en déduis que vous suivez la voie de votre mère. Si jeune et déjà dans la garde, c'est impressionnant ! Ma foi, elle doit être fière de vous. ❞ Il eut un air bienveillant en prononçant ces paroles. ❝ Depuis combien de temps êtes-vous dans la garde ? ❞
" Oh mais, il n'y a aucun mal à ça ! Il n'y a jamais de mauvais moments pour admirer la beauté de la capitale. Que ce soit lors qu'une simple balade ou lors d'une ronde. " Dit alors le grand chien sombre en lui offrant un sourire chaleureux qui finit de déstabiliser la pauvre Marie.
" Je me nomme Theobald- Theobald Mavlaka, mais vous pouvez m'appeler Theo. Et vous êtes ? " Il fit une réverence souple devant la petite blanche qui eut un léger mouvement de recul. Elle ne pensa pas à froncé son museau, sûrement prise par la surprise. Mais le nom, elle l'avait reconnu et ce n'était pas très glorieux de s'appeler ainsi de son point de vue.
La petite Fille d’Étable hésita quelque secondes, se demandant comment dame Bellevale aurait réagit dans ce genre de situation, mais ne trouvant pas, elle se contenta de reprendre un air neutre.
" Marie Deschênes, fille de Dame Bellevale Deschênes. Elle leva fièrement son museau rond, mais vous pouvez m'appeler Dame Deschênes. " Elle ne s'inclina pas. Mais ce n'était pas par impolitesse, c'est car elle fut occupée à essayer de rattraper ses dernières paroles.
" Enfin ! Non, ça c'est comme cela que l'on désigne ma mère. Non il vaut mieux que vous m'appeliez Marie. "
De ce qu’il pouvait voir, la blanche n’était pas seulement fraîchement arrivée à Paris, mais aussi dans la garde.
La pauvre tentait tant bien que mal de garder un faciès neutre comme bon nombre de ses camarades, mais sans grand succès. Et quelque part, c’était tant mieux ! Il n’aurait guère apprécié parler à un mur... C’est pourquoi, lorsque son interlocutrice s’emmêla les pinceaux et fut au bord de la panique, Theobald lui décerna un sourire chaleureux.
❝ Oh mais, il n'y a aucun mal à ça ! ❞ avait-il répondu gaiement. ❝ Il n'y a jamais de mauvais moments pour admirer la beauté de la capitale. Que ce soit lors qu'une simple balade ou lors d'une ronde. ❞
Il espérait qu’ainsi, la demoiselle soit rassurée. Qu’elle sache reconnaître la beauté ne faisait pas moins d’elle une garde, bien au contraire !
❝ Je me nomme Theobald- Theobald Mavlaka, mais vous pouvez m'appeler Theo. ❞ se présenta-t-il finalement, se courbant avec grâce devant la jeune chienne. ❝ Et vous êtes ? ❞
Peut-être que le nom Mavlaka lui parlerait, peut-être que non. Quoi qu'il en fût, Theobald ne se défit pas de son sourire amical, à aucun instant, et attendit avec patience que son interlocutrice décline son identité... Qui sait, il pourrait bien avoir des surprises.
" Psst ! " Marie sursauta. Elle tourna la tête dans tous les sens, surprise, avant de voir le grand chien sombre un peu derrière elle. Elle ne compris d'abord pas pourquoi il l'avait interpellé, puis au delà de cela ce fut sa tenue vestimentaire qui la choqua.
" Bien le bonjour, mademoiselle. " Le grand canidé leva une de ses pattes, la saluant alors qu'elle fronça un peu le museau. Était-ce un bohémien ? Il en avait tout l'air. Mère ne les appréciait guère et Marie se rappela soudain de tous les préjugés qu'elle connaissait à leurs sujet.
" Je ne vous ai jamais vu par ici. C'est la première fois que vous venez à Paris ? " Il n'était pas impolie ni vulgaire, juste courtoie. Et cela rendit encore plus perplexe la jeune blanche qui ne savait pas du tout comment elle devait réagir. C'est pourquoi elle tenta d'avoir le plus l'air possible de marbre, même si son trouble quant à la situation se lisait dans son regard.
" J-je... Hmpf. Non, mais je n'ai jamais eut l’occasion de me balader comme ceci dans les rues. Enfin ! J-je ne me balade pas !... J-je fais un tours de garde et- Rien à voir avec une balade. " Son ton s'était voulu froid et autoritaire au départ, avant d'arborer une voix totalement paniquée. Elle rougit soudainement face à sa propre confusion, sa timidité la rattrapant.
" Hmpf... Grogna-t-elle, Je profite juste de l’occasion pour observer un peu... "
Une nouvelle tête à Paris... Voilà qui était fort intéressant.
Si Theobald était passé inaperçu aux yeux de la blanche comme au reste du monde présent, celle-ci en revanche avait réussir à retenir toute son attention. Première ronde dans les rues de la grande cité ? Peut-être bien, au vu de comment elle dévorait le paysage des yeux.
Plus que son épée qui semblait démesurée, c’était bien ce regard pétillant qui avait sollicité l’intérêt du bohémien.
Curieux, à peine l’eut-elle dépassé que Theo avait sorti le nez de sous sa large capuche noire, la repoussant de la patte tandis qu’un sourire naissait au coin de ses babines.
❝ Psst ! ❞ Trop faible pour que ses deux camarades puissent l'entendre, ce sifflement était sans aucun doute tout adressé à la jeune chienne. Ce ne fut que quand il fut certain d'avoir retenu son attention qu'il leva l'une de ses larges pattes, la saluant amicalement de celle-ci. ❝ Bien le bonjour, mademoiselle. ❞
Il ne restait plus qu'à savoir si elle était une rustre brute comme un bon pourcentage de ses camarades en armure, ou s'il venait de tomber sur une perle.
❝ Je ne vous ai jamais vu par ici. C'est la première fois que vous venez à Paris ? ❞ demanda-t-il courtoisement, le ton bas pour ne pas alerter le reste de la troupe mais doucereux.
Qui sait comment ils réagiraient s'ils voyaient un bohémien converser avec l'une des leurs.