Cela faisait maintenant plusieurs semaines que Rowena et Gino avaient cherché à mettre la patte sur le Prophète, cherchant comme ils avaient pu des indices quant à où le trouver. Certains les avaient mener sur des pistes discutables et les deux pauvres bougres n'avaient plus d'autre choix que de se reposer sur les dires d'un tenancier ivre dans les quartiers peu recommandable de la cité.
Enroulé dans une cape, Gino était allé rejoindre Rowena après lui avoir donné rendez-vous à la tombé de la nuit et ensemble ils s'étaient ensuite rendu là où - leur avait-on dit - ils trouveraient le Prophète.
- Ça devrait être ici. Ils étaient arrivé au coin d'une petite ruelle complètement vide et silencieuse. Le voir de la nuit ne permettait pas de voir grand chose. Devant eux, une silhouette gigantesque se tenait immobile, attendant d'être interpellée...
Milet de Longroy, poursuivit par l'Église et l'Inquisition? Ça semblait tellement probable même peut-être trop probable comme une étonnante coïncidence. Gino n'arrivait pas à y croire d'un coté et puis de l'autre la réponse donnée par le Prophète lui semblait totalement évidente. Il ne savait plus vraiment qui ou quoi croire. Sa rencontre avec l'Évêque Melchior l'avait rendu quelque peu méfiant à l'égard de l'Église parisienne, mais Clotaire d'Aspremont l'Archidiacre n'était pas du même genre que son confrère.
- Hum. Le bâtard de Benozzo s'était tourné en direction de Rowena, peut-être qu'elle était plus sûre d'elle que Gino ne pouvait l'être. Les paroles du Prophète sonnaient si vrai aux oreilles du grand noir.
- Je n'ai jamais eu à craindre l'Église ou bien même l'Inquisition. Pourquoi choisirai-je de vous croire? Avait-il demandé innocemment avant de repenser à Blanche et aux siens. Finalement, si le but du Prophète était de mettre à mal les plans de l'Inquisition - maintenant dissoute - ou bien de ceux de l'Église conservatrice, pouvait-il être quelqu'un de mauvais?
- Je suis rentré par effraction dans ta boutique, Avait-il décidé d'avouer à Rowena; Je l'ai fais pour sauver Milet de Longroy d'un terrible complot contre lui. Il avait alors fixé les deux enqueteurs. Le Prophète ne s'attendait d'ailleurs pas à ce qu'ils le croient du moins pas sur ces simples paroles.
- Il vous faut plus d'explications j'imagine, mais au fond de vous vous savez très bien qui sont vos véritables ennemis. Il avait hoché la tête, brièvement. Si je me trouvais là avec Milet de Longroy c'était bien pour échappé à l'Eglise conservatrice et à l'Inquisition. Continuait t-il d'avouer avant de se taire. Il n'en dirait pas plus pour l'instant, il ne révélerait rien si on ne lui en demandait pas plus et peut-être que les deux apprentis enquêteurs s'en contenteraient.
- Vous n'êtes pas de mauvaises personnes... Remarquait-il en les observant longuement. Tout ce que vous désirez c'est la justice, moi aussi. Il s'était approché en premier lieu de Gino.
- Ce n'est pas l'Église que tu connais, Paris est une ville pervertie et tu le sais. Ensuite il s'était tourné vers Rowena. L'inquisition - ou plutôt ce qu'il en reste - cherche à enterrer d'avantage la réputation de votre famille n'est-ce pas? Mais vous n'êtes pas une empoisonneuse... Il avait planté son regard dans celui de la chienne puis dans celui du mâle noir.
- Notre cause est peut-être finalement la même; C'est la vérité que vous voulez? La tranquillité? Ne plus avoir à craindre les dérives de l'Église comme l'était l'Inquisition? Il avait pris une courte inspiration; Le quartier a brulé à cause de l'Inquisition, ce jour là. C'est à ce qu'il en reste qu'il faut demander des comptes.
Lorsque l'individu s'avança dans la lumière, Rowena vit immédiatement qu'elle avait bel et bien affaire au Prophète. Elle jeta un bref coup d'oeil à Gino. Les renseignements qu'on leur avait donné était donc corrects. Ils allaient enfin pouvoir obtenir des réponses... S'il se montrait coopératif. Quoi qu'il en soit, le chien devina leurs intentions. Ses paroles dures provoquèrent un froncement de sourcil chez l'apothicaire. Décidément, cet énergumène n'avait rien d'agréable.
L'allusion à sa mère et au fait qu'elle même pourrait éventuellement suivre ses traces ne fit que renfoncer la mauvaise impression que Rowena avait de lui. Gino semblait partager l'opinion de l'apothicaire envers ce Prophète louche qui se trouvait dans sa boutique lorsqu'elle était en feu. L'artiste ne tarda d'ailleurs pas à interroger le chien au pelage sombre à ce sujet et Rowena écouta attentivement. Lorsque son comparse s'adressa à elle, elle hocha la tête.
- Oui, il se trouvait bel et bien dans ma boutique alors qu'elle était en feu. D'ailleurs je suis certaine de l'avoir correctement fermée. Elle poursuivit, plissant les yeux. Que faisiez-vous à l'intérieur ?
Le fait qu'il connaisse l'histoire liée à sa mère et à l'ancien roi n'était pas exceptionnel, de nombreux Parisiens étaient au courant de cette sombre histoire. En revanche, il donnait l'impression d'en être plus affecté que la plupart des gens. Avait-il mis le feu à sa boutique pour cela ?
Gino n'aimait pas son comportement ni même ce qu'il renvoyait; Il lui était incapable de faire confiance à ce genre d'individu. Son regard était alors venu croiser celui de Rowena, les sourcils froncés, cherchant à savoir si elle partageait son avis.
- Nous repentir des péchés de nos familles? Gino n'avait jamais voulu être considéré comme un Pastore, c'est bien pour cela qui se présentait avec le nom de sa mère. Mais s'apercevoir que le Prophète nourrissait de la rancoeur à l'égard des siens et également de la famille de Rowena ne le rendait que plus dubitatif quant à l'identité de ce dernier. Ses babines s'étaient légèrement retroussées.
- Vous étiez là le jour où tout est parti en fumée, que s'est-il passé? Il avait cherché le soutiens de Rowena en la cherchant du regard. Il était dans ta boutique n'est-ce pas? Avait-il demandé à l'apothicaire pour s'en assurer.
Le grand gris vêtu de noir s'était approché des deux individus qui avaient souhaité s'entretenir avec lui. Il s'était donc approché de la lumière pour se rendre plus visible. Par la même occasion il en avait profité pour déterminé de qui il s'agissait:
- L'apothicaire et l'artiste... Avait-il remarqué. Vous voulez savoir ce qui est arrivé à vos commerces, c'est ça? L'avait-il ensuite déduit.
- Ils ont brulé, voilà tout. S'était-il contenté de leur annoncer froidement. Elle faisait parti de la famille qui avait empoisonné le seul roi que Paris méritait et lui était le bâtard d'une famille qui avait condamné les saints. Ils étaient tout ce que le Prophète n'appréciait pas.
- Êtes vous venu me condamner pour ce que je suis? Ou bien peut-être m'empoisonner? Il avait demandé en regardant les deux camarades. Ou peut-être cherchez vous à vous repentir des péchés de vos familles? Il avait levé un sourcil inquisiteur.
- Je suis tout ouïe! Il s'était maintenant assis et les oreilles dressées en direction des deux êtres, il attendait les questions.
Rowena marchait dans les rues de paris, tendue, enveloppée dans un simple manteau. La nuit s'annonçait fraîche et si d'ordinaire elle serait restée bien au chaud chez elle à profiter de sa tranquillité, cette fois-ci elle se trouvait à l’extérieur pour une bonne raison. Déjà parce qu'il ne restait plus rien de son apothicaire et de son habitation par la même occasion. Mais aussi parce qu'elle avait rendez-vous à une heure précise avec Gino, l'italien qui avait lui aussi perdu sa boutique lors de l'incendie.
Les deux chiens, bien décidés à connaître la vérité, avaient passé de longues semaines à chercher le Prophète. Mais aujourd'hui, ils semblaient enfin toucher à leur but. Ils s'étaient rendu ensemble à un endroit qu'on leur avait indiqué. L'atmosphère calme et le silence qui régnait dans la rue ne rassura d'ailleurs pas la jeune chienne, tout comme la faible vision qu'ils avaient. Plissant les yeux, elle crut voir une silhouette massive droit devant, immobile. Prenant les devants malgré ses doutes, l'apothicaire fit quelques pas et interpella l'individu.
- Prophète ? Elle poursuivit, hésitante. Nous avons des questions à vous poser.